Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politiques, il pouvait arriver à une haute position et à des émoluments considérables.

Satisfait donc de ce qu’il avait appris quant à la conduite généralement adoptée par ses collègues, conduite que légitimaient de nombreux précédents, Randal dîna de bon appétit et avec beaucoup de résignation chrétienne pour les revers de son patron, puis se dirigea vers Grosvenor-Square dans l’espoir de l’y rencontrer.

Apprenant qu’il était chez lui, Randal entra dans la bibliothèque. Trois messieurs s’y trouvaient avec Egerton ; l’un des trois était lord L’Estrange, les deux autres étaient des membres du défunt ministère. Randal allait se retirer à l’aspect de ce conclave, lorsque Egerton lui dit doucement :

« Entrez, Leslie ; nous parlions justement de vous.

— De moi, monsieur ?

— Oui, de vous et de la place que vous occupez. Je demandais à sir H. si je ne pouvais pas convenablement prier votre chef de laisser une note concernant son opinion sur vos talents (je sais qu’il en a une très-haute), note qui pourrait vous être utile auprès de son successeur.

— Oh ! monsieur, c’est dans un pareil moment que vous songez à moi ! s’écria Randal véritablement touché.

— Mais, reprit Audley avec sa précision accoutumée, à ma grande surprise, sir H. est d’avis que mieux vaudrait pour vous donner votre démission. À moins que ses raisons, qu’il ne nous a pas encore exposées, ne soient très-puissantes, je suis d’un avis contraire au sien.

— Mes raisons, dit sir H. avec une roideur tout officielle, sont simplement celles-ci : J’ai un neveu dans la même position, et il n’hésite pas à se retirer. Tous les gens en place dont les parents occupaient des positions importantes dans le ministère agissent de même. Il me semble qu’il serait peu agréable pour M. Leslie de faire seul exception.

M. Leslie n’est ni mon parent, ni même mon proche allié, objecta Egerton.

— Oui, mais son nom est tellement associé au vôtre, il a vécu si longtemps dans votre maison, il est si connu dans le monde, et je puis ajouter, sans flatterie, que nous augurons tous si bien de lui, qu’il aurait tort de garder une place qui lui fermerait l’entrée du Parlement. »

Sir. H. était un de ces terribles hommes riches, qui jugent toute considération de pot-au-feu mesquine et insignifiante. Cependant je puis ajouter qu’il croyait Egerton plus riche encore qu’il n’était lui-même, et disposé à se montrer généreux envers Randal ; puis il pensait que celui-ci perdrait malgré tout quelque chose de l’estime d’Egerton, s’il ne suivait le sort de son patron.

« Vous voyez, Leslie, dit Egerton arrêtant Randal prêt à parler, que vous pouvez rester en place sans que votre honneur ait à en souffrir ; c’est simplement une question de convenance ; je me charge de la décider pour vous : gardez votre place. »