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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/110

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Rood et Dalmansberry. — On ne demande que vingt mille livres comptant. Le reste peut demeurer indéfiniment hypothéqué, ou du moins jusqu’à ce que je vous aie trouvé un riche parti…, comme j’ai fait pour Egerton. Thornhill a besoin de ces vingt mille livres, il en est très-pressé.

— Et où prendrais-je les vingt mille livres que vous me parlez de donner ?

— Vous en toucherez dix mille le jour où le comte de Peschiera épousera la fille de son parent, grâce à votre coopération, et je vous prêterai les dix mille autres. N’ayez aucun scrupule… je ne hasarderai rien… Les domaines peuvent encore supporter cette charge. Qu’en dites-vous ? Cela vous va-t-il ?

— Dix mille livres du comte de Peschiera, dit Randal avec une respiration sifflante. Vous ne parlez pas sérieusement ? Une pareille somme… pourquoi ? Pour un simple renseignement. Car, je ne vois pas comment je pourrais l’aider autrement. Il y a là-dessous quelque piège.

— Mon cher garçon, je vais vous donner un avis. Il y a de par le monde des gens qui ont le défaut d’être trop soupçonneux, et vous êtes de ceux-là. Le renseignement dont vous parlez est naturellement le premier service que vous deviez rendre. Peut-être vous demandera-t-on autre chose, peut-être n’en fera-t-on rien ; vous en jugerez vous-même, puisque les dix mille livres et le susdit mariage sont solidaires.

— Que je sois ou non trop soupçonneux, le montant de la somme est trop improbable, et la garantie trop mauvaise, pour que j’écoute une semblable proposition, quand bien même je pourrais descendre à…

— Un moment, mon ami. Causons d’abord affaires, nous examinerons après la question des scrupules. La garantie est trop mauvaise, dites-vous. Quelle garantie ?

— La parole du comte de Peschiera.

— Il n’est pour rien là dedans… il ne le saura même pas. C’est ma parole que vous mettez en doute ; c’est moi qui suis votre garantie. »

Randal songea à ce que dit spirituellement Gibbon : « Abu Rafe dit qu’il se porte témoin de ce fait, mais qui se portera témoin d’Abu Rafe ? » Cependant il garda le silence, fixant seulement sur Lévy ses yeux observateurs, à la pupille contractée et circonspecte.

« Voici simplement ce qui en est, reprit Lévy. Le comte de Peschiera s’est engagé à payer à sa sœur une dot de vingt mille livres dans le cas où il les aurait. Or il ne peut les avoir que par le mariage en question. Pour ma part, comme c’est moi qui fais ses affaires en Angleterre, j’ai promis que pour ladite somme de vingt mille livres je me porterais garant des dépenses faites pour arriver à ce mariage, et je satisferais Mme di Negra. Bien que Peschiera soit un homme généreux et d’un excellent cœur, je ne répondrais pas qu’il