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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/123

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charme qui l’y attirait. Et elle appuyait ses mains sur son front brûlant, comme pour y arrêter la torture de la pensée. Soudain elle entendit une voix au bas de l’escalier, la porte s’ouvrit et Randal Leslie entra.


CHAPITRE XXXVII.

Ce même soir, à huit heures, le baron Lévy vit arriver son nouvel allié. Tous deux dînèrent en tête-à-tête, causant de choses indifférentes jusqu’au moment où les domestiques se retirèrent. Alors le baron se levant et attisant le feu, dit d’un ton bref et significatif :

« Eh bien ?

— Je suis disposé, dit Randal, à acheter aux conditions proposées la propriété dont vous m’avez parlé. La seule chose qui m’inquiète, c’est de savoir comment j’expliquerai à Audley Egerton, à mes parents, à tout le monde enfin, cette acquisition.

— C’est vrai, dit le baron, sans même sourire de la manière ingénieuse et vraiment grecque avec laquelle Randal avait exprimé ses intentions en en déguisant la bassesse ; c’est vrai, il faudra songer à cela. Si nous réussissions à cacher le nom du véritable acquéreur pendant un an ou deux, la chose deviendrait aisée, on pourrait supposer que vous avez spéculé sur les fonds publics, ou bien Egerton mourrait peut-être, et l’on croirait qu’il vous a laissé quelque chose des débris de sa fortune.

— Il n’est guère probable qu’Egerton meure.

— Hum ! fit le baron. Cependant, ce n’est là qu’un détail auquel nous réfléchirons. Vous pouvez maintenant nous dire où est la jeune personne ?

— Certainement. Je ne l’aurais pas pu ce matin, mais je le puis maintenant. J’irai avec vous chez le comte. En attendant, j’ai vu Mme di Negra ; elle acceptera Frank Hazeldean, pourvu qu’il se propose sur-le-champ.

— N’est-ce pas ce qu’il veut ?

— Non ; j’ai été le trouver. Il est ravi de ce que je lui ai dit, mais il croit de son devoir de demander le consentement de ses parents. Or ils ne le lui donneront certainement pas, et s’il y a des retards, Béatrix se rétractera. Elle est sous l’influence de passions qui peuvent être de courte durée.

— Quelles passions ? l’amour ?

— Oui, mais non pas pour Hazeldean. Elle est disposée à lui accorder sa main par pique et par jalousie. Elle est convaincue qu’un homme qui paraît avoir subitement conquis son affection, est insensible à ses charmes parce qu’il subit l’empire de Violante ;