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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/128

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du pâle et charmant visage de Béatrix dans le salon de Curzon-Street, en répétant avec la douce voix d’un sylphe les paroles que Leslie avait prononcées la veille : « Quant à son affection pour vous, Frank, on ne saurait en douter, seulement elle commence à croire que vous vous joues d’elle ? » Puis vint alors la délicieuse vision d’un jeune homme à genoux près de la douce figure, rougissante et timide ; d’un prêtre debout à l’autel, d’une voiture à quatre chevaux stationnant devant la porte de l’église ; puis celle d’une lune de miel dont le miel étonnerait par sa douceur les abeilles même du mont Hymète.

Au milieu de cette fantasmagorie qui composait ce que Frank appelait « réfléchir pour se décider, » on entendit frapper à la porte de la rue les coups répétés qui annoncent un élégant.

« On n’a jamais un moment pour réfléchir, » fit Frank ; et appelant son domestique, il lui cria : « Je n’y suis pas. » Mais il était trop tard ; lord Spendquick était déjà dans l’antichambre, et l’instant d’après, il entrait chez Frank. Ils échangèrent un bonjour et une poignée de main.

« J’ai une lettre pour vous, Hazeldean, dit lord Spendquick.

— De qui donc ? demanda Frank avec nonchalance.

— De Lévy. Je le quitte à l’instant, je ne l’ai de ma vie vu si agité. Il allait dans la Cité, probablement pour y voir X Y. Il vous a écrit ce billet en toute hâte, et il allait vous l’envoyer par un domestique lorsque je lui ai offert de m’en charger.

— J’espère qu’il ne me demande pas encore son argent ? dit Frank en regardant la lettre avec effroi… Confidentielle. Cela est de mauvais augure.

— Oui, en vérité. »

Frank ouvrit la lettre et lut à demi-voix :

« Cher Hazeldean. »

« C’est bon signa, fit Spendquick interrompant son ami. Il ne manque jamais à m’appeler Spendquick lorsqu’il me prête de l’argent, et à me donner du milord, lorsqu’il m’en demande. C’est un excellent signe ! »

Frank lut tout bas et en changeant de visage ce qui suit :

« Cher Hazeldean, je regrette infiniment d’avoir à vous dire que, par suite de la faillite soudaine d’une maison de Paris avec laquelle j’étais en relations d’affaires, je me vois forcé de rassembler tout l’argent qui m’est dû. Je ne voudrais pas vous gêner, mais voyez, je vous prie, s’il ne vous serait pas possible d’acquitter les billets que j’ai en main et qui, comme vous le savez, sont déjà échus depuis quelque temps. J’avais songé au moyen d’arranger vos affaires, mais lorsque j’y ai fait allusion, l’idée a paru vous déplaire, et Leslie m’a répété depuis que vous ne vouliez pas entendre parler de donner des garanties sur vos futures propriétés. Laissons donc cela, mon cher garçon. Je suis mandé en toute hâte, afin d’examiner ce qu’il est possible de faire pour une charmante cliente à moi qui se trouve dans une grande détresse pécuniaire, bien qu’elle ait pour frère un comte étranger, riche comme Crésus. On doit faire chez elle une saisie. Je vais aller