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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/129

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trouver le fournisseur qui veut la faire exécuter ; mais j’ai peu d’espoir de l’adoucir, et je crains d’ailleurs qu’il ne s’en présente d’autres avant la fin du jour. C’est encore une des raisons qui font que j’ai besoin d’argent et que je vous prie, mon cher, de me venir en aide. Une saisie dans la maison d’une des femmes les plus brillantes de Londres ! Une saisie dans Curzon-Street, May-Fair ! Ce sera demain le bruit de la ville entière, si je ne puis m’y opposer.

« Tout à vous,

« Lévy. »

« P.-S. Ne vous tourmentez pas trop de ce que je vous dis. Je ne vous presserais pas tant si Spendquick et Borrowell voulaient me rembourser quelque chose. Peut-être pourrez-vous les y décider. »

Frappé du silence et de la pâleur de Frank, lord Spendquick posa affectueusement sa main sur l’épaule du jeune officier, et lut le billet avec cette liberté que les jeunes gens dans l’embarras prennent réciproquement au sujet de leur correspondance privée. Ses regards tombèrent sur le post-scriptum : « L’infâme coquin ! s’écria-t-il, si ce n’est pas abominable ! s’adresser à vous pour me faire payer ! Quelle trahison ! Mais tranquillisez-vous, mon cher Frank, je ne vous soupçonnerais pas plus d’une pareille noirceur que je ne me soupçonnerais moi-même de vouloir payer Lévy. »

« Curzon-Street ! Un comte étranger ! murmura Frank comme au sortir d’un rêve. Ce ne peut être qu’elle. »

Et, mettre ses bottes, échanger sa robe de chambre contre une redingote, prendre ses gants, sa canne et son chapeau, dégringoler l’escalier, gagner la rue et se jeter dans un fiacre, tout cela fut exécuté avant que lord Spendquick stupéfait eût pu reprendre haleine pour demander : « Qu’y a-t-il ? »

Le visiteur resté seul secoua la tête, la secoua une seconde fois, comme pour bien se convaincre qu’il n’y avait rien dedans, puis remettant son chapeau devant la glace, et tirant tranquillement ses gants, il descendit et s’en alla flâner à son club.


CHAPITRE XXXIX.

Frank était arrivé dans Curzon-Street ; il avait sauté à bas du cabriolet, frappé à la porte qui lui avait été ouverte par un homme singulier avec un justaucorps de buffle et un habit de velours à côtes.

Frank jeta un coup d’œil sur ce personnage, le repoussa de côté et s’élança dans l’escalier. Il entra dans le salon ; Béatrix n’y était pas. Un homme d’un certain âge, maigre et allongé, tenant un manuscrit à la main, y paraissait occupé à examiner le mobilier et à en faire