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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/138

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raison dans ses conjectures ; vous auriez la plus jolie bru des trois royaumes. Et je crois vraiment que si je pouvais causer avec cette jeune fille, sans que son père fût présent, nous parviendrions à détruire le seul obstacle que je connaisse à ce mariage, ses erreurs papistes.

— Oh ! c’est vrai, dit le squire, ce pape me tient à la gorge. Je lui pardonnerais d’être étrangère et de n’avoir pas le sou, mais adorer des images dans sa chambre au lieu d’aller à l’église de la paroisse, voilà ce que je ne saurais endurer. Croyez-vous réellement que vous pourriez l’amener à occuper le dimanche sa place dans le banc de famille ?

— J’ai été plus d’une fois tout près de convaincre son père, seulement lorsqu’il n’avait plus rien à dire, il me fermait sa fenêtre au nez. Mais la jeunesse reconnaît plus aisément ses erreurs.

— Je vous avouerai que Harry et moi, nous avions un projet favori avant qu’il fût question de cette jeune Italienne. Nous avions songé à la petite sœur de Randal qui nous plaisait fort. Et puis cela allait au cœur de ma femme de la voir ainsi avec ses cheveux pendants, négligée et abandonnée par sa sotte mère ; je pensais aussi que cela serait un bon moyen de renforcer l’amitié de Frank et de Randal et me permettrait en outre de faire quelque chose pour celui-ci, un brave garçon qui a du sang d’Hazeldean dans les veines. Mais Violante est si belle que je ne puis m’étonner du choix de Frank ; et puis c’est notre faute, nous les avons laissés toujours ensemble lorsqu’ils étaient enfants. Néanmoins, je serais fort en colère si je croyais que Riccabocca eût voulut jouer au fin, et se fût enfui du Casino pour faciliter à Frank des relations clandestines avec sa fille.

— Cela n’est guère d’accord avec le caractère du docteur ; il se serait plutôt enfui pour empêcher Frank de faire la cour à Violante, car où pouvaient-ils se voir plus aisément qu’au Casino ?

— Vous avez raison ; quand on songe que ce n’est qu’un docteur étranger qui, pour ce que nous en savons, a peut-être suivi les caravanes, on est vraiment étonné de trouver ce Riccabocca si parfait gentleman. Mais quelle est votre idée au sujet de Frank ? Je vois que vous ne le croyez pas amoureux de Violante, après tout. Voyons, parlez franchement.

Le curé. Puisque vous m’interrogez, je conviens que je ne le crois pas amoureux d’elle, ni ma Carry non plus, qui est remplie de pénétration pour ces sortes de choses.

Le squire. Votre Carry ! En vérité, comme si elle en avait moitié autant que mon Harry.

Le curé (devenant rouge). Je n’entends pas faire de remarques désobligeantes, mais, monsieur Hazeldean, lorsque vous dépréciez ma Carry, ce serait mal à moi de ne pas… Ô mon Dieu ! Est-ce bien possible ? Regardez ! regardez donc !

Le squire. Où ? quoi donc ? Ne me pincez pas si fort ! Dieu me bénisse ! on dirait que vous avez vu un revenant.

Le curé. Là-bas, le monsieur en noir !