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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/140

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sez-vous qui soit arrivé ? Il a été refait par Sharp Currie. Celui-ci n’a pas voulu mourir. Il a retrouvé son foie et le capitaine a perdu le sien. C’est la plus singulière chose du monde. Puis alors le reconnaissant nabab a renvoyé le capitaine en disant « qu’il ne pouvait souffrir d’avoir des malades autour de lui. » Et maintenant il va se marier, et je ne doute pas qu’il n’ait des enfants à la douzaine.

Le curé. Ce sont les eaux de Spa qui ont guéri M. Currie. Il avait eu l’égoïste fantaisie d’exiger que le capitaine suivît le traitement des eaux en même temps que lui, et il est arrivé que ces mêmes eaux qui ont guéri le foie de M. Currie ont détruit celui du capitaine Higginhotham. Un médecin homœopathe anglais, qui était alors à Spa, a soigné le capitaine et lui a promis de le guérir par des doses infinitésimales des mêmes éléments chimiques contenus dans les eaux qui l’ont rendu malade. Une pareille théorie est-elle sérieuse ?

Léonard. J’ai connu autrefois un homœopathe très-capable bien que fort excentrique, et je suis disposé à croire qu’il y a quelque chose au fond de ce système. Mon ami est allé en Allemagne ; c’est peut-être lui qui soigne le capitaine. Puis-je vous demander le nom de son médecin ?

Le squire. Le cousin Barnabé ne nous l’a pas dit, mais vous pourrez le lui demander, car nous voici chez lui. Dites donc, curé (à voix basse), si une petite dose de ce qui a fait mal au capitaine doit le guérir, n’êtes-vous pas d’avis qu’en ce cas le meilleur remède serait un héritage ? Ha, ha, ha !

Le curé (tâchant de ne pas rire). Chut ! squire. La pauvre nature humaine ! Il faut compatir à ses infirmités. Entrez, Léonard. »

Léonard, intéressé par l’espoir de rencontrer le docteur Morgan, obéit à l’invitation ; il suivit ainsi que ses deux compagnons la servante du capitaine, et tous trois se trouvèrent bientôt en présence du malade.


CHAPITRE XLI.

Quelque disposé que fût le squire à s’égayer aux dépens de son cousin, il devint subitement sérieux à la vue de la figure blême et des joues creuses du pauvre capitaine.

« C’est bien aimable à vous, mon cousin, dit celui-ci, d’être venu à Londres pour me voir, et à vous aussi, monsieur Dale. Quelle bonne mine vous avez tous les deux ! Pour moi, je suis devenu un vrai squelette ; on pourrait compter tous mes os.

— L’air d’Hazeldean et le rosbif vous auront bientôt refait,