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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/153

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paient à sa nature. Son but était de forcer Riccabocca à consentir à son mariage avec Violante, ou, s’il n’y pouvait réussir, d’anéantir toutes les chances de restauration qu’avait son parent. Il avait secrètement cherché, parmi les plus misérables et les plus corrompus de ses compatriotes, ceux qu’il pourrait suborner pour les faire témoigner de la participation de Riccabocca à de nouveaux complots contre la domination autrichienne. Ses anciennes relations avec les Carbonari lui facilitèrent la découverte de ces réfugiés, et sa parfaite connaissance de ceux auxquels il avait affaire, le rendait propre à la tâche honteuse qu’il entreprenait.

Il avait déjà choisi un nombre suffisant de ces desperadoes, soit pour servir de témoins contre son parent, soit pour l’aider dans tel plan audacieux que les circonstances pourraient lui suggérer. Il avait aussi, comme le supposait Harley, fait espionner les démarches de Randal, et la veille du jour où celui-ci lui avait appris quelle était la retraite de Violante, il était sur les traces de celle de Riccabocca.

La découverte que Violante avait trouvé un asile aussi respecté et en apparence aussi inviolable que l’hôtel Lansmere ne découragea pas l’audacieux aventurier. Nous l’avons vu sortir pour aller reconnaître la maison de Knightsbridge. Il l’avait examinée avec soin et avait marqué le côté qui lui semblait le plus favorable à un coup de main, dans le cas où il faudrait en venir là.

La maison et le jardin de lord Lansmere étaient entourés de murs ; l’entrée donnait sur la grande route et était gardée par un concierge. Derrière étaient des champs traversés par une route vicinale. Une petite porte par laquelle passaient les jardiniers s’ouvrait sur ces champs. Elle était habituellement fermée, mais la serrure en était simple et grossière, et pouvait facilement s’ouvrir avec une fausse clef. Il n’y avait là aucun obstacle qui ne parût insignifiant à l’expérience consommée de Peschiera dans les conspirations et la galanterie ; mais le comte n’était pas disposé à user d’abord de moyens violents. Il avait confiance dans ses dons personnels, dans son adresse, dans les triomphes qu’il avait si souvent remportés sur le beau sexe, et il désirait naturellement essayer avant tout l’effet d’une entrevue ; il résolut donc, avec sa hardiesse accoutumée, de s’en procurer une. La description qu’avait faite Randal de l’extérieur de Violante, les quelques particularités de son caractère que lui avait révélées cet observateur à l’œil de lynx, c’était là tout le concours que Peschiera demandait présentement à son complice.

Mais revenons à Violante elle-même. Nous la retrouvons assise dans les jardins de Knightsbridge et causant avec Hélène, dans un endroit écarté, hors de vue des fenêtres de la maison.

Violante. Mais pourquoi ne voulez-vous pas me parler davantage de cet ancien temps ? Vous êtes encore moins communicative que Léonard.

Hélène (baissant les yeux et hésitant). En vérité, je ne pourrais que vous dire ce que vous savez déjà, et puis il y a si longtemps de cela, et les choses sont si changées. »