Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous ayez le temps de réfléchir au parti que, le cas échéant, il vous conviendrait de prendre. Je perdrais probablement tout pouvoir de vous servir. On s’attendra sans doute, à cause de notre parenté et de mes intentions bien connues à votre égard, on s’attendra sans doute à vous voir renoncer à la place que vous occupez et vous attacher à ma fortune quelle qu’elle soit. Mais, comme je n’ai pas d’ennemis personnels dans le parti opposé, et comme ma position dans le monde me permettra de soutenir et de défendre votre conduite, quoi que vous décidiez, si vous croyez plus prudent de conserver votre place, dites-le-moi franchement, et je ferai en sorte que vous puissiez la garder sans que votre honneur ni votre réputation aient à en souffrir. En ce cas, bornez votre ambition à un avancement graduel dans les bureaux. D’un autre côté, si vous préférez courir la chance de ma rentrée au pouvoir et donner votre démission, s’il vous convient de vous attacher à une politique exposée, non-seulement à être bientôt celle de l’opposition, mais encore à devenir impopulaire, je ferai mon possible pour vous faire entrer au Parlement. Je ne puis dire que je vous conseille ce dernier parti. »

Randal se sentait comme un homme qui vient de faire une chute terrible ; il était littéralement étourdi, abasourdi. Il parvint cependant à murmurer :

« Avez-vous pu croire, monsieur, que j’abandonnerais votre sort, votre parti, votre cause ?

— Mon cher Leslie, reprit le ministre, vous êtes trop jeune pour vous regarder comme engagé envers aucun homme ou aucun parti, si ce n’est par ce malheureux pamphlet. Ce n’est point ici une affaire de sentiment, mais de bon sens et de réflexion. N’en parlons pas davantage pour le moment ; mais, en examinant le pour et le contre, vous saurez d’avance ce qu’il vous conviendrait de faire, si la nécessité d’opter se présentait tout à coup.

— J’espère qu’elle ne se présentera pas.

— Je l’espère aussi, et bien sincèrement, » dit le ministre avec énergie.


CHAPITRE IV.

Randal ne dormit pas de la nuit, mais il était de ceux qui n’ont ni le besoin ni l’habitude de beaucoup de sommeil. Cependant vers le matin, à l’heure où les rêves passent pour être prophétiques, il tomba dans un sommeil peuplé de visions délicieuses, de rêves où Rood-Hall lui apparaissait couronné de tours aussi majestueuses que celles de Belvoir ou de Raby et dominant des terres et des fermes arrachées à l’usurpation des Thornhill et des Hazeldean ; de rêves dans lesquels l’or et la puissance d’Egerton, un cabinet dans Downing-Street