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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/161

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— Je vous dois trop, dit Hélène en baissant les yeux, pour avoir d’autre volonté que la vôtre. Mais votre mère, ajouta-t-elle, se rattachant involontairement à l’idée d’un obstacle, votre mère n’a pas encore…

— Ma mère… vous avez raison. Il faut d’abord que je lui parle. Vous recevrez de ma famille l’honneur dû à vos douces vertus. À propos, Hélène, avez-vous instruit Violante de l’engagement qui nous lie ?

— Non… c’est-à-dire… j’ai pu me trahir involontairement, malgré la recommandation de lady Lansmere, mais… mais…

— Lady Lansmere vous a donc défendu de le lui dire ? Cela ne doit pas être. Je révoque en son nom cette interdiction ; cela vous est dû ainsi qu’à Violante. Dites tout à votre amie. Ah ! Hélène, si parfois vous me trouvez froid ou bizarre, vous me supporterez, vous serez indulgente ; car vous m’aimez, n’est-ce pas ? Vous m’aimez ? »


CHAPITRE XLVIII.

Le lendemain de bonne heure, Randal reçut deux lettres ; la première venait de Frank ; elle était écrite au milieu de la plus vive agitation ; il priait Randal de voir et d’adoucir son père, qu’il avait, craignait-il, grièvement offensé. Puis venaient ensuite des protestations incohérentes que son honneur et ses affections étaient irrévocablement engagés envers Béatrix, et que jamais il ne l’abandonnerait. La seconde lettre était du squire lui-même ; son style était bref et beaucoup moins cordial que de coutume. Il priait M. Leslie de vouloir bien passer chez lui le plus tôt possible.

Randal s’habilla à la hâte et se rendit d’abord à l’hôtel de Limner.

Il y trouva M. Dale auprès de M. Hazeldean et faisant de vains efforts pour le calmer. Le squire n’avait pas dormi de la nuit ; il était pâle et défait ; il avait l’œil terne, presque hagard.

« Ha ! ha ! monsieur Leslie, dit-il en se renversant sur son fauteuil lorsque Randal entra, je vous croyais l’ami, le conseiller de Frank. Expliquez-moi, cela, monsieur, expliquez-le moi.

— Doucement, mon cher monsieur Hazeldean, dit le curé. Vous effrayez M. Leslie. Dites-lui plus clairement ce que vous voulez qu’il vous explique.

— Avez-vous oui ou non dit à mistress Hazeldean, reprit le squire, que Frank était amoureux de Violante Rickeybockey ?

— Moi, monsieur, fit Randal d’un air stupéfait. Je n’ai jamais dit un mot de cela ; j’ai, au contraire, des raisons de craindre que Frank ne soit épris d’une personne très-différente. J’ai fait quelque allusion