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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/175

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ni à inspirer l’ingratitude et la fausseté que de presser la main d’un père en calculant l’époque où cette main retombera en poussière, que de supputer tranquillement avec des étrangers ses chances de vie d’après une table d’assurance, et lorsqu’on voit les embarras et les difficultés croître autour de soi, de se dire selon l’argot fashionable. « Tout s’arrangerait si le gouverneur voulait seulement mourir. » Et celui qui s’est accoutumé à recourir aux post-obit s’endurcira infailliblement jusque-là. »

Le squire poussa un profond gémissement et si Randal eût continué une minute de plus, il eût pleuré comme un enfant. « Mais, reprit Randal changeant de ton, je crois que le jeune homme dont nous parlions tout à l’heure, Lévy, avant que monsieur ne se fût joint à nous, est sur ce point de la même opinion que moi. Il a pu faire des billets, mais il ne signera jamais de post-obit.

Le baron (qui obéit avec l’intelligente docilité d’un cheval bien dressé aux différents signes de Randal). Bah ! Le gaillard dont nous parlons ? Il ne serait pas si sot que de payer inutilement vingt-cinq pour cent d’intérêt. Ne pas signer de post-obit. Bien entendu, il en a signé un.

Randal. Vous vous trompez, j’en suis sûr.

Le squire. Lâchant le bras de Randal et saisissant celui de Lévy. Entendez-vous parler de Frank Hazeldean ?

Le baron. Excusez-moi, mon cher monsieur ; je ne nomme jamais personne devant les étrangers.

Le squire. Encore les étrangers ! je vous dis que je suis le père du jeune homme, monsieur. Est-ce de lui qu’il s’agit, oui ou non ? Répondez. Et le squire serra le bras de Lévy avec la force d’une vis de fer.

Le baron. Doucement, monsieur, vous me faites mal ; mais je comprends vos sentiments. Randal vous avez eu tort de m’exposer à une indiscrétion ; mais je veux rassurer M. Hazeldean, car bien que son fils ait été un peu dissipé….

Randal. La faute en est surtout aux pièges que lui a tendus une créature artificieuse.

Lévy. Oui, une créature artificieuse, cependant il s’est montré plus prudent que vous ne le supposeriez, et ce post-obit même en est une preuve, ce seul acte lui a permis de payer des billets toujours grossissants, qui en fussent arrivés à ruiner même le domaine d’Hazeldean ; tandis qu’une hypothèque sur la réversibilité du Casino…

Le squire. Il a fait la chose, alors ? Il a signé un post-obit ?

Randal. Non, non, Lévy, vous êtes sans doute dans l’erreur.

Le baron. Mon cher Leslie, un homme de l’âge de M. Hazeldean ne saurait avoir vos idées romanesques ; il doit comprendre que Frank a agi là dedans en garçon sensé ; c’est qu’il entend très-bien les affaires, notre ami Frank ! Et ce que M. Hazeldean peut faire de mieux, c’est de racheter tranquillement le post-obit en question, ce qui mettra ainsi son fils dans sa dépendance.

Le squire. Puis-je voir l’acte de mes propres yeux ?