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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/19

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reproche que je ne dispose guère de mon temps, mais j’aime mieux dire la vérité : « Il doit nous être pénible à tous deux de nous rencontrer. »

La comtesse rougit et soupira, mais n’opposa rien à cette assertion.

« Je présume donc, reprit Audley, que puisque vous m’avez demandé, c’est pour me communiquer une chose importante ?

— C’est une chose qui concerne Harley, dit la comtesse comme pour s’excuser, et sur laquelle je voudrais avoir votre avis.

— Qui concerne Harley. Parlez, je vous en conjure.

— Mon fils vous a sans doute confié qu’il a élevé et formé une jeune fille dans l’intention de faire d’elle lady L’Estrange.

— Harley n’a pas de secrets pour moi, dit Egerton avec tristesse.

— Cette jeune fille est arrivée en Angleterre, elle est ici, dans cette maison.

— Et Harley aussi ?

— Non ; elle a fait le voyage avec lady N… et ses filles. Harley devait la suivre de près, et je l’attends chaque jour. Voici sa lettre : Vous remarquerez qu’il n’a pas révélé ses intentions à cette jeune fille, en ce moment confiée à ma tutelle, qu’il ne lui a jamais parlé d’amour. »

Egerton prit la lettre qu’il lut rapidement quoique avec attention.

« Oui, je vois, dit-il, en rendant la lettre à lady Lansmere ; il veut auparavant que vous connaissiez miss Digby et que vous la jugiez. Il veut savoir si vous approuverez son choix.

— C’est là-dessus que j’ai voulu vous consulter. Une jeune fille sans position. Le père était à la vérité un gentleman, bien que d’une naissance équivoque, mais je ne sais ce qu’était la mère. Moi qui espérais voir Harley s’allier à l’une des premières maisons d’Angleterre ! » Et la comtesse joignit convulsivement les mains.

Egerton. « Harley n’est plus un enfant. Jusqu’ici ses talents ont été gaspillés ; il a mené une vie errante et sans but. Il vous présente une occasion de raffermir son esprit, de réveiller ses brillantes facultés, de le voir se fixer près de vous ; lady Lansmere, vous ne sauriez hésiter.

Lady Lansmere. Ah ! si, si, j’hésite. Après tout ce que j’avais espéré, après tout ce que j’ai fait pour empêcher…

Egerton (l’interrompant). Vous lui devez une expiation ; elle est en votre pouvoir, que n’est-elle au mien ? »

La comtesse pressa de nouveau la main d’Egerton, et des larmes jaillirent de ses yeux.

« Eh bien, qu’il en soit ainsi ; j’y consens. Je me tairai ; j’imposerai silence à ce cœur orgueilleux. Hélas ! J’ai failli briser le sien ! Je suis bien aise que vous m’ayez parlé ainsi. J’aime à penser qu’il vous devra mon consentement. Ce sera une expiation pour tous deux.

— Vous êtes trop généreuse, madame, dit Egerton visiblement ému, quoique cherchant comme toujours à réprimer son émotion. Et maintenant, puis-je voir la jeune fille ? Cette conversation m’est pé-