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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/202

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sous un prétexte quelconque, de revenir à Lansmere jusqu’à ce que vous lui ayez appris la triste nouvelle, doucement, avec précaution. Oh ! comment supportera-t-il un pareil choc ? Mon fils ! mon pauvre enfant !

— Calmez-vous, expliquez-vous. De quelle nouvelle s’agit-il ? De quel choc voulez-vous parler ?

— C’est vrai ; vous ne savez pas… on ne vous l’a pas dit. Nora Avenel est là-bas dans la maison de son père… morte… morte !… »

Audley chancela et porta la main à son cœur, puis tomba à genoux comme anéanti sous le coup.

« Ma fiancée ! ma femme ! s’écria-t-il, morte ! C’est impossible. »

Lady Lansmere fut si stupéfaite en entendant cette exclamation, si étourdie d’une révélation aussi inattendue, qu’elle demeura en silence, incapable de consoler, de rien expliquer, confondue au spectacle de la violente douleur qui éclata chez cet homme lorsqu’il se fut relevé.

À la fin, il domina son émotion et écouta avec un calme apparent, la brève explication de lady Lansmere.

Un des hôtes du château s’était senti subitement malade une heure ou deux auparavant. La comtesse, entendant du bruit, s’était levée ; on avait été chercher le docteur Morgan. C’était par lui qu’on avait su que Nora Avenel était revenue chez son père dans la soirée, avait été prise d’une fièvre cérébrale et était morte au bout de quelques heures.

Audley écouta, puis se dirigea en silence vers la porte.

Lady Lansmere lui prit le bras.

« Où allez-vous ? dit-elle. Ah ! puis-je maintenant vous demander à vous qui êtes le plus à plaindre, d’épargner à mon fils la terrible nouvelle ? Et cependant… vous connaissez son caractère bouillant, sa véhémence… S’il apprend que vous étiez son rival… le mari de Nora, vous en qui il avait tant de confiance ! Qu’en résultera-t-il ? Je tremble d’y penser !

— Ne tremblez pas… je ne tremble pas, moi ! dit Egerton. Laissez-moi aller, je serai bientôt de retour, et alors (ses lèvres s’agitèrent convulsivement), alors nous parlerons d’Harley. »

Egerton sortit éperdu, abasourdi. Instinctivement, il prit le chemin de la maison d’Avenel. Il avait été obligé d’y entrer officiellement quelques jours auparavant pour faire sa visite électorale, et il avait souffert dans son orgueil en voyant la maison, les parents de Nora. Il s’était dit : « C’est donc la fille de ces gens-là qu’il faut que moi, Audley Egerton, je présente au monde comme ma femme ! » Et maintenant, eût-elle été la fille d’un mendiant, d’un criminel même, pourvu qu’il pût la rappeler à la vie, combien ce monde tant redouté lui paraîtrait mesquin et indifférent ! Hélas ! il était trop tard ! La rosée brillait au soleil, les oiseaux chantaient au-dessus de sa tête, tout s’éveillait à la vie autour de lui, et son propre cœur était semblable à un cimetière. Il n’y avait rien là que la mort ! Il arriva à la porte, elle était ouverte ; il appela, personne ne répondit ; il monta