Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brûlants et passionnés, cette colère de colombe blessée lui expliquèrent le retour de Nora, la cause de sa mort subite qu’il continua d’attribuer à une fièvre cérébrale amenée par l’agitation et la fatigue. Car Nora ne parlait pas de l’enfant prêt à naître ; elle l’avait oublié lorsqu’elle avait écrit, sans quoi elle n’aurait pas écrit. Après avoir lu cette lettre, Egerton ne put rester plus longtemps dans ce triste village, seul avec Harley. Il annonça brusquement qu’il lui fallait partir pour Londres, décida L’Estrange à l’y accompagner, et là, après avoir appris par lady Lansmere que l’enterrement avait eu lieu, il révéla à Harley avec des lèvres pâles comme la mort et en appuyant sa main sur son cœur, cette affreuse vérité, que Nora n’était plus. L’effet de cette nouvelle sur la santé et le cœur du jeune homme fut plus terrible encore qu’Audley ne l’avait prévu.

À sa douleur vint se joindre le remords, car disait le noble enfant, si ce n’eût été de ma passion, de mes folles poursuites, elle n’eût jamais quitté son asile naturel ? Et puis, la lutte entre le sentiment du devoir et son amour pour moi a été trop forte ! elle l’a brisée ! Ah ! je vois, je comprends tout. Sans moi elle vivrait encore !

« Oh, non s’écria Egerton prêt à tout avouer. Croyez-moi, elle ne vous a jamais aimé comme vous le pensez. Non, non, écoutez-moi ! Supposez plutôt qu’elle en a aimé un autre, qu’elle a fui avec lui, qu’elle était peut-être mariée, et…

— Taisez-vous ! s’écria Harley avec violence ; c’est me la tuer deux fois que de parler ainsi ! Je la sens toujours vivante là, dans mon cœur, tandis que je rêve qu’elle m’aimait, ou que du moins nulle lèvre ne connut jamais le baiser qui a été refusé à la mienne. Mais si vous venez me dire de douter de cela ! vous ! vous ! »

La douleur du pauvre enfant était trop violente pour ses forces ; il tomba dans les bras d’Audley ; il s’était rompu un vaisseau sanguin. Pendant plusieurs jours il fut dans un danger grave ; les yeux constamment fixés sur Audley, « dites-moi, murmurait-il au risque de rouvrir le vaisseau rompu, dites-moi que je me suis trompé, que vous n’avez pas de raison de croire qu’elle en aimait un autre, qu’elle appartenait à un autre !

— Chut ! chut ! Non je n’ai pas de raison pour cela ; je n’en ai aucune. Je ne voulais que vous consoler, insensé que j’étais ! » répondait le malheureux ami.

À partir de ce moment Audley renonça à l’idée de se justifier à ses propres yeux, et il se résigna à être pour toujours un mensonge vivant, lui le fier gentleman !

Alors qu’Harley était encore très-faible et très-souffrant, M. Dale vint à Londres et se rendit près d’Egerton. Le vicaire en s’engageant près de mistress Avenel à garder le secret, avait stipulé la condition que ce ne serait point au détriment du fils survivant de Nora. Et si Nora était mariée après tout ? Ne valait-il pas mieux dans tous les cas savoir le nom du père de cet enfant ? Ne pouvait-il un jour avoir besoin de son père ? Mistress Avenel s’était vue contrainte de souscrire à ces réserves, mais elle avait supplié M. Dale de ne pas faire