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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/206

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de recherches. Si Nora était mariée, son mari se déclarerait naturellement de lui-même. Si elle avait été séduite et abandonnée, chercher à découvrir le père d’un enfant dont tout le monde ignorait l’existence, ce serait s’exposer à déshonorer cette mémoire de Nora que mistress Avenel avait réussi à préserver de tout blâme. Ces arguments firent naître dans l’esprit du bon vicaire une grande perplexité, mais Jeanne Fairfield était convaincue de l’innocence de sa sœur, et ses soupçons se portaient naturellement sur lord L’Estrange.

Peut-être en était-il de même de mistress Avenel bien qu’elle n’en convînt pas. M. Dale était pleinement persuadé de la justesse de ces soupçons ; l’amour du jeune lord pour Nora et les craintes de la comtesse n’avaient été que trop visibles pour un hôte assidu du château de Lansmere.

Harley quittant brusquement le château, le jour même du retour de Nora ; Egerton renonçant à sa candidature avant même que l’opposition se fût déclarée, afin d’aller rejoindre son ami aussitôt après la mort de Nora ; tout le confirmait dans l’idée qu’Harley était ou le séducteur ou le mari.

Peut-être y avait-il eu un mariage secret, célébré sans doute sur le continent, car Harley n’était pas majeur. M. Dale voulut du moins voir lord L’Estrange et le sonder à ce sujet. La maladie de celui-ci s’opposant à une entrevue, le vicaire voulut essayer de pénétrer le mystère au moyen d’une conversation avec Egerton. La réputation de gravité, de véracité et d’honneur que celui-ci s’était acquise l’encourageait à cette démarche.

Il vit donc Egerton et s’efforça d’obtenir du nouveau député de Lansmere des aveux de nature à être utiles à la famille qui lui avait donné sa majorité de deux voix et avait ainsi décidé de son élection.

Le vicaire commença par faire allusion au touchant dévouement de John Avenel, qui malade et désolé avait quitté son lit pour accomplir la promesse faite à Audley, et l’émotion que montra celui-ci lui parut si sincère que peu à peu il en vint à lui confier ses soupçons, ses craintes, ses espérances au sujet de la malheureuse Nora et du fils qu’elle avait laissé. Audley apprit ainsi qu’il était père. Il engagea M. Dale à se conformer aux désirs et aux conseils de mistress Avenel, s’offrit à faire lui-même des recherches en secret et avec prudence, promit de lui en communiquer le résultat et s’informa du lieu où avait été conduit l’enfant.

Le vicaire donna l’adresse demandée, puis se retira et n’entendit jamais reparler d’Egerton. Il demeura convaincu que l’homme qui avait fait preuve d’une sensibilité si profonde avait échoué dans l’appel fait à la conscience d’Harley, ou avait pensé que mieux valait laisser la mémoire de Nora en paix et son enfant aux soins de la famille de sa mère.

À peine remis de sa maladie, Harley rejoignit sur le continent l’armée anglaise, avide de trouver la mort dons ses rangs. Aussitôt