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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/220

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Randal, pendant qu’il parlait, vit le front de Béatrix s’assombrir, ses yeux lancer des éclairs ; il sentit qu’il venait de s’assurer une complice. — Violante ! — Léonard n’avait-il pas en effet parlé de Violante, et avec quelles louanges ! Son enfance ne s’était-elle pas écoulée prés d’elle ? Quelle autre que Violante pouvait-il aimer ? L’exclamation qui échappa à Béatrix après un moment de silence révéla à Randal l’avantage qu’il venait d’obtenir. Et, tantôt excitant la jalousie de la marquise, tantôt flattant son amour de l’assurance répétée que si Violante était une fois hors d’Angleterre et mariée à Peschiera, Léonard ne pourrait rester insensible à ses charmes à elle ; puis se chargeant, lui Randal, de la libérer honorablement de son engagement envers Frank Hazeldean, et d’obtenir de Peschiera d’acquitter la dette qui la liait à cet amant dévoué, il fit si bien que lorsqu’il quitta la marquise, non-seulement celle-ci s était engagée à suivre tous ses conseils, mais encore elle le pressait ardemment de mettre son plan à exécution. Randal s’en alla lentement, tissant avec réflexion les fils si compliqués de la trame qu’il ourdissait ; et c’est alors que triompha son astuce.

Il était nécessaire, afin d’empêcher qu’on ne soupçonnât Peschiera (qui en ce cas eût pu être arrêté), que, durant l’intervalle qui s’écoulerait entre la disparition de Violante et le départ de celle-ci, on pût assigner une cause au moins vraisemblable à son absence de chez lord Lansmere ; il était également nécessaire que Randal lui-même parût complètement étranger aux actes du comte, quand bien même celui-ci serait découvert ou soupçonné. Pour obtenir ces résultats, Randal se rendit à Norwood et demanda une entrevue à Riccabocca. Affectant l’agitation et l’anxiété, il informa l’exilé qu’il avait des raisons de croire que Peschiera avait réussi à obtenir de Violante une entrevue secrète, et de craindre que le comte n’eût fait sur l’esprit de la jeune fille une impression favorable ; puis, s’exprimant avec la jalousie d’un amant, il supplia Riccabocca de l’autoriser à parler à Violante, et d’exiger d’elle de consentir à leur mariage immédiat.

Le pauvre Italien fut confondu des nouvelles que lui apportait Randal ; et les craintes presque superstitieuses que lui inspirait son brillant ennemi, jointes à l’opinion qu’il avait de l’effet tout-puissant des dons extérieurs sur les femmes, le portèrent non-seulement à croire implicitement aux dangers dont on lui parlait, mais encore à se les exagérer. Il accueillit donc de nouveau avec joie l’idée du mariage de sa fille avec Randal, que, depuis quelque temps, il envisageait avec assez de froideur.

Son premier mouvement fut naturellement d’envoyer chercher Violante, mais Randal s’y opposa.

« Hélas ! dit-il, je sais que Peschiera a découvert votre retraite, et elle serait encore moins en sûreté ici qu’elle n’est chez lord Lansmere.

— Mais, diavolo ! vous dites que Peschiera est parvenu à l’y voir, en dépit des promesses de lady Lansmere et de toutes les précautions d’Harley ?