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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/240

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bruit du pas rapides ; on entendit tirer des verrous, puis un murmure de voix contenues. On aperçut une lumière à travers les fentes de la porte, et enfin la porte s’ouvrit. Deux Italiens portant des lumières entrèrent ; le comte de Peschiera les suivait.

Béatrix s’élança vers son frère. Il lui mit doucement sa main sur les lèvres, et fit signe aux Italiens de se retirer. Ils posèrent les flambeaux sur la table et sortirent sans dire un mot.

Peschiera alors, écartant sa sœur, s’approcha de Violante.

« Ma belle cousine, dit-il d’un air d’assurance aisée mais résolue, il y a des choses qu’aucun homme ne peut justifier, qu’aucune femme ne peut pardonner, à moins que l’amour, qui est au-dessus de toutes les lois, ne suggère à l’un des excuses et n’obtienne le pardon de l’autre. En un mot, j’avais juré de vous conquérir et je n’avais aucune occasion de vous plaire. Ne craignez rien. Ce qui peut vous arriver de pis, c’est d’être ma femme. Éloignez-vous, ma sœur, éloignez-vous.

— Non, Giulio ! Giulio Franzini ! Je me place entre elle et vous ; il vous faudra me tuer avant de pouvoir toucher même le bord de sa robe.

— Quoi, ma sœur ! vous vous tournez contre moi ?

— Oui, et à moins que vous ne vous retiriez à l’instant et que vous ne la laissiez libre, je vous démasquerai devant l’empereur.

— Il est trop tard, mon enfant ! Vous vous embarquerez avec nous. Les objets dont vous pouvez avoir besoin pendant le voyage sont déjà à bord. Vous serez témoin de notre mariage, célébré par un prêtre de la sainte Église ; puis vous direz ensuite à l’empereur tout ce que vous voudrez. »

Et le comte, usant soudain de sa force, écarta Béatrix et mit un genou en terre devant Violante, qui debout, pâle comme la mort, mais intrépide, lui jeta un regard d’indicible dédain.

« Vous me méprisez aujourd’hui, dit Peschiera en donnant à son visage une expression d’humilité et d’admiration, et je ne m’en étonne pas. Mais, croyez-moi, jusqu’à ce que ce mépris ait cédé à un sentiment plus doux, je n’userai pas du pouvoir que j’ai acquis sur votre destinée.

— Du pouvoir ! dit Violante avec hauteur. Vous avez, il est vrai, réussi à m’attirer dans un piège ; vous avez acquis le pouvoir d’un jour, mais vous n’en avez aucun sur ma destinée.

— Vous voulez dire que vos amis ont découvert votre disparition et sont sur vos traces. Ma belle cousine, je suis en garde contre eux et je défie toutes les lois et toute la police d’Angleterre. Le vaisseau qui doit vous emporter au loin attend sur la rivière, à deux pas d’ici. Béatrix, je vous avertis, tenez-vous en repos, lâchez-moi. Sur ce vaisseau se trouve un ecclésiastique tout prêt à nous unir, non pas cependant avant que vous n’ayez reconnu cette vérité que celle qui s’est enfuie avec Giulio Peschiera doit devenir ou sa femme ou la honte de sa maison et le rebut de son sexe.

— Giulio, c’est infâme ! s’écria Béatrix.