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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/241

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— Peste ! ma sœur ; usez, je vous prie, de mots plus doux. Vous aussi vous avez voulu vous marier, et moi je n’ai rien dit qui pût vous nuire. Signorina, je regretterais d’employer la force. Donnez-moi la main, il faut que nous parlions. » Violante éluda un contact qui l’eût profanée, et s’élançant de l’autre côté de la chambre, elle ouvrit la porte, et la referma rapidement sur elle. Béatrix s’attacha de toutes ses forces au comte pour l’empêcher de la poursuivre. Mais de l’autre côté de la porte, si près, qu’on pouvait croire qu’il avait écouté ce qui se passait dans la chambre, se tenait un homme enveloppé de la tête aux pieds dans un ample manteau. À la lueur de la lampe qui l’éclairait, on voyait briller le canon d’un pistolet qu’il tenait dans sa main droite.

« Chut ! dit cet homme tout bas en passant son bras autour de Violante, dans cette maison vous êtes au pouvoir de ce brigand ; mais une fois dehors vous serez en sûreté. Ne craignez rien, je suis près de vous ; c’est moi, Violante. »

Cette voix alla au cœur de Violante ; elle tressaillit, leva les yeux, mais on ne pouvait voir la figure de l’homme, cachée par son manteau et son chapeau rabattu. On n’apercevait qu’une masse de boucles noires et une barbe de la même couleur.

Le comte rouvrit la porte, traînant après lui sa sœur, toujours attachée à ses vêtements.

« Ah ! c’est bien ! dit-il à l’homme en italien. Descendez madame doucement ; mais si elle essaye de crier, contraignez-la au silence. Quant à vous, Béatrix, traîtresse, voici qui suffira. » Puis il prit sa sœur dans ses bras, et sans se soucier des cris ni des efforts de celle-ci pour lui échapper, il s’élança dans l’escalier.

Le vestibule était rempli d’hommes au teint basané. Le comte, se tournant vers l’un d’eux, lui dit quelques mots à voix basse. L’instant d’après, la marquise fut saisie et emportée. Le comte jeta un coup d’œil en arrière ; il vit Violante portée par l’homme auquel il l’avait confiée, celui-ci indiquait du doigt Béatrix et semblait remontrer à la jeune fille l’inutilité de toute résistance. Violante gardait le silence et paraissait résignée. Peschiera sourit d’une façon cynique, et précédé par plusieurs de ses bravi tenant des torches, il descendit quelques marches qui conduisaient à une petite plate-forme entre l’étage du vestibule et celui des cuisines. Là une porte était ouverte, qui donnait sur la rivière ; sur le sable était amarré un bateau autour duquel étaient groupés quatre hommes qui avaient l’air de marins étrangers. En voyant Peschiera trois de ces hommes s’élancèrent dans le bateau et préparèrent leurs rames. Le quatrième rajusta avec soin une planche jetée du bateau sur le quai et offrit obséquieusement son bras au comte. Celui-ci passa le premier en fredonnant gaiement un air d’opéra et prit place à la proue. Les deux femmes furent ensuite transportées dans le bateau, et Violante sentit sa main pressée presque convulsivement par l’homme qui était près de la planche. Les autres suivirent, et au bout d’une minute le bateau glissa légèrement sur les vagues, se dirigeant vers un vaisseau qui était à