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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/243

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D’un côté de cet homme était le prince autrichien, et de l’autre, lord L’Etrange, ayant à ses pieds un manteau et une profusion de fausses boucles noires ; ses bras étaient croisés sur sa poitrine, et sur ses lèvres se dessinait un sourire dont l’ironie naturelle était tempérée par un calme et suprême dédain. Le comte voulut parler mais la voix lui manqua.

Tous autour de lui paraissaient menaçants ou hostiles ; il vit plusieurs figures italiennes, mais elles ne respiraient que la haine et la vengeance ; à l’arrière étaient des matelots anglais, regardant curieusement par-dessus les épaules des étrangers, avec un rire de satisfaction sur leurs figures franches et ouvertes.

Soudain, tandis que le comte demeurait ainsi perplexe, intimidé, stupéfait, des huées méprisantes s’élevèrent du côté des Italiens : Il traditore ! il traditore ! crièrent-ils tous ensemble. Le comte était brave, à ce cri il releva la tête avec une certaine majesté.

En ce moment Harley, agitant sa main pour mettre fin à ces cris, sortit du groupe qui l’entourait, et le comte s’avança hardiment vers lui.

« Que signifie tout ceci ? dit-il en français, je devine que c’est à vous que je dois en demander l’explication et la réparation. — Distinguons, je vous prie, monsieur le comte, répondit Harley dans ce même langage qui se prête si bien au sarcasme poli, et à l’inimitié courtoise. Distinguons. L’explication doit venir de moi, j’en tombe d’accord, mais j’aurai l’honneur de vous laisser la réparation. Ce vaisseau…

— Est à moi ! s’écria le comte, ces hommes qui m’insultent sont à mes gages.

— Les hommes à vos gages sont à terre, monsieur le comte, buvant au succès de votre voyage. Mais, désireux que j’étais de ne pas vous priver de la satisfaction qu’on éprouve toujours à se trouver entouré de compatriotes, j’ai engagé à cet effet de meilleurs Italiens que les pirates qu’ils remplacent ; ils sont peut-être moins bons marins, mais j’ai pris la liberté d’ajouter à l’équipage de ce vaisseau, de solides matelots anglais, plus habiles et plus expérimentés que vos pirates eux-mêmes. Votre grande erreur, monsieur le comte, consiste à croire que le Flying Dutchman vous appartient. En vous faisant mes excuses d’être intervenu, bien que je connusse votre intention de l’acheter, j’ai l’honneur de vous apprendre que lord Spendquick a bien voulu m’accorder la préférence. Néanmoins, monsieur le comte, je mets le bâtiment, ainsi que son équipage, complètement à votre service pendant le mois qui va suivre. »

Peschiera sourit avec dédain.

« Je remercie Votre Seigneurie ; mais étant maintenant privé, comme je le présume, de la compagne de voyage qui seule donnait pour moi de l’attrait à la traversée, je vais retourner à terre et vous prierai simplement de me faire savoir l’heure à laquelle vous pourrez recevoir l’ami que j’enverrai pour régler cette partie de la question dont