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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/255

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la porte qu’il venait d’ouvrir, donnait à manger au chien. « Bonjour, signor, dit le domestique en souriant. Le chien ne nous a pas servi à grand’chose, mais je ne crois pas que maintenant le padrone regarde à un déjeuner. Je l’emmènerai en Italie et je l’y marierai pour améliorer la race de nos chiens lombards.

— Ah ! dit Harley, vous quitterez bientôt nos côtes glacées. Puisse le soleil luire toujours sur vous tous ! » Il jeta un regard sur les fenêtres fermées et, sans se risquer à parler davantage, traversa la cour et se dirigea rapidement vers Londres.


CHAPITRE IX.

Harley venait d’arriver à son hôtel et il était assis devant un déjeuner auquel il n’avait pas encore touché, lorsqu’on annonça M. Randal Leslie. Randal, fermement convaincu que Violante était maintenant sur mer en compagnie de Peschiera, paraissait l’inquiétude et la fatigue personnifiées ; car, semblable au cardinal de Richelieu, Randal se servait avec art de son extérieur délicat et maladif. Le cardinal, lorsqu’il était occupé de quelque plan sanguinaire exigeant une activité et une rigueur particulières, prenait ordinairement l’air abattu d’un moribond qui n’a plus que quelques jours à vivre. Et Randal, qui eût eu en ce moment assez d’énergie pour se transporter d’un bout à l’autre de l’immense métropole avec une rapidité supérieure à celle d’un coureur de profession, se laissa tomber sur un fauteuil d’un air de fatigue et d’épuisement qu’aucune mère n’eut pu voir sans compassion.

« N’avez-vous rien découvert, milord ? Parlez, parlez !

— Bien volontiers. Je suis heureux de pouvoir calmer vos inquiétudes, monsieur Leslie. Que nous étions fous ! ha ! ha ! ha !

— Fous… comment cela ?

— Oui, fous, car pendant que nous nous inquiétions ainsi, la jeune fille était tranquillement chez son père.

— Chez son père ?

— Oui, et elle y est encore.

— Ce n’est pas possible, dit Randal de la voix et du ton rêveur d’un somnambule… Chez son père, à Norwood ? En êtes-vous sûr ?

— Très-sûr. »

Randal réussit à se contenir par un violent effort sur lui-même. « Dieu soit loué ! fit-il. Et justement, lorsque je commençais à soupçonner le comte et la marquise, car j’ai su que ni l’un ni l’autre n’avaient passé la nuit chez eux, et Lévy m’a dit que le comte lui avait écrit pour le prier de solder tous ses mémoires, parce qu’il allait s’absenter d’Angleterre pendant quelque temps.