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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/256

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— En vérité ! Eh bien, ceci n’a pour nous aucune importance, bien que cela puisse en avoir beaucoup pour le baron s’il exécute la commission et se charge de solder les susdits mémoires. Quoi ! vous voilà déjà parti ?

— Pouvez-vous le demander ? Il faut que j’aille à Norwood, que je voie Violante de mes propres yeux ! Pardonnez à mon émotion… je… je… »

Et Randal prit brusquement son chapeau et s’enfuit. Le rire contenu et méprisant d’Harley l’accompagna dans sa fuite.

« Je ne doute pas plus de sa culpabilité que ne fait Léonard. Violante n’appartiendra jamais à ce coquin aux lèvres pincées. Quelle étrange fascination possède-t-il donc pour avoir ainsi conquis l’affection des deux hommes que j’estime le plus, Audley Egerton et Alphonse di Serrano ? tous deux cependant si sages, si défiants même ; tandis que moi qui suis confiant et même imprudent… Ah ! c’est là la raison : nos natures sont antipathiques ; la ruse, la dissimulation, le mensonge, me trouvent sans pitié. Malheur aux hypocrites si jamais je deviens grand inquisiteur !

M. Richard Avenel, » annonça un domestique en ouvrant la porte.

Harley serra fortement le bras du fauteuil sur lequel il était assis, tandis qu’il regardait avec attention la personne qu’on introduisait dans sa chambre. Il se leva avec effort.

« Monsieur Avenel, dit-il, si j’ai bien entendu ?

— Richard Avenel, à votre service, milord, répondit Dick. Ma famille ne vous est pas inconnue, et je ne rougis pas de ma famille, bien que mes parents ne fussent que de petits marchands de Lansmere. Et moi je suis… hem ! un citoyen de l’univers, » ajouta Dick en jetant ses gants dans son chapeau et plaçant ledit chapeau sur la table de l’air d’une ancienne connaissance qui veut se mettre à son aise.

Lord L’Estrange salua et dit en se rasseyant (Dick était déjà carrément assis) : « Vous êtes le bienvenu, monsieur, et si je puis être utile à quelqu’un de votre nom…

— Je vous remercie, milord, interrompit Dick. Je n’ai, grâce à Dieu, besoin de rien ni de personne. C’est là une parole hardie, mais je ne crains pas de la dire. Néanmoins, je ne me serais pas permis de déranger Votre Seigneurie, à moins toutefois que vous ne m’eussiez fait l’honneur de venir le premier chez moi, Eaton-Square, no 10 ; je ne me serais pas permis, dis-je, de déranger Votre Seigneurie si ce n’eût été pour une affaire publique, je pourrais même dire une affaire nationale. »

Harley s’inclina de nouveau. Un léger sourire effleura ses lèvres, puis s’évanouit pour faire place à une expression triste et pensive, tandis qu’il examinait la belle figure de l’homme assis en face de lui. Peut-être dans cette figure, bien que mâle et hardie, découvrit-il quelque ressemblance de famille avec celle dont le visage était resté pour lui l’idéal de la beauté féminine, car soudain il tendit la main