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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/27

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rité était alarmée et son affection même pour Harley si filiale et si respectueuse la faisait craindre de le tromper, elle se recula un peu et dit :

« Ô mon cher tuteur ! vous le plus noble des hommes, à mes yeux du moins, pardonnez-moi, pardonnez-moi si je vous parais ingrate, si j’hésite, mais je ne puis me croire digne de vous, Je n’ai jamais levé les yeux si haut. Votre rang, votre position…

— Pourquoi seraient-ils éternellement ma malédiction ? Oubliez-les et continuez.

— Ce n’est pas cela seulement, dit Hélène en sanglotant presque, quoique ce soit beaucoup ; mais moi, réaliser votre type, votre idéal ! moi ! C’est impossible. Oh ! comment pourrais-je jamais vous être utile, vous consoler ?

— Vous le pouvez, Hélène, vous le pouvez ! s’écria Harley acharné de cette modestie ingénue. Puis-je garder cette main ? »

Et Hélène, laissant sa main dans celle d’Harley, détourna son visage baigné de larmes.

Un pas lent et grave se fit entendre sous les arbres.

« Ma mère, dit Harley L’Estrange levant les yeux, je vous présente ma fiancée. »


CHAPITRE VIII.

Harley L’Estrange, après son importante entrevue avec Hélène, se dirigea vers l’hôtel d’Egerton. Il venait d’entrer dans une des rues qui conduisent à Grosvenor-Square, lorsqu’un jeune homme marchant rapidement dans une direction opposée vint se frapper contre lui, et, reculant avec un mot d’excuse, s’écria : « Quoi, lord L’Estrange en Angleterre ! Permettez-moi de vous féliciter de votre retour, milord ; mais vous paraissez à peine me reconnaître ?

— Pardonnez-moi, monsieur Leslie. Je vous reconnais maintenant à votre sourire ; mais vous êtes encore d’un âge qui me permet de vous dire que vous êtes changé depuis que je ne vous ai vu.

— Et cependant vous, milord, me paraissez plus jeune qu’alors. »

Cette réponse avait cela de vrai qu’il y avait maintenant moins de différence apparente qu’autrefois entre Leslie et L’Estrange, car les soucis qui assiégeaient l’âme de l’ambitieux étaient visibles sur son visage, tandis que le culte rêveur d’Harley pour la vérité et la beauté semblait avoir conservé chez leur adorateur l’immortelle jeunesse de ces divinités.

Harley reçut ce compliment avec une indifférence qui eût convenu à un stoïque, mais qui semblait peu naturelle chez un homme sor-