Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant de demander en mariage une femme beaucoup plus jeune que lui.

« Vous alliez peut-être chez M. Egerton ? reprit Leslie. En ce cas, je vous préviens qu’il n’est pas chez lui ; il est au ministère.

— Merci ; je vais alors diriger mes pas de ce côté.

— J’y vais moi-même, » dit Randal en hésitant.

L’Estrange était peu prévenu en faveur de Leslie par ce qu’il connaissait de lui, mais la remarque de Randal faisait appel à sa politesse habituelle et il répliqua avec un empressement de bon goût : « Allons ensemble jusque-là. »

Randal accepta le bras qui lui était offert, et lord L’Estrange, comme il arrive généralement à ceux qui reviennent d’un long voyage, prit le rôle de questionneur dans le dialogue qui suivit :

« Egerton est toujours le même, je suppose, trop occupé pour être malade, trop ferme pour être chagrin ?

— Quand il serait l’un ou l’autre, il dédaignerait de se plaindre. Mais néanmoins, mon cher lord, je serais heureux de savoir ce que vous pensez de sa santé.

— Comment cela ? Vous m’inquiétez.

— Ce n’est pas mon intention et je vous prie de lui laisser ignorer ce que je vous ai dit : mais il me paraît souffrant et fatigué.

— Pauvre Audley ! dit L’Estrange d’un ton de profonde affection. Je le questionnerai, et sans vous nommer, soyez-en sûr, car je sais combien il redoute qu’on le croie susceptible des infirmités humaines. Je vous suis obligé de m’avoir prévenu et reconnaissant de l’intérêt que vous portez à quelqu’un qui m’est si cher. »

Et le ton d’Harley fut plus cordial qu’il ne l’avait jamais été envers Randal. Il s’informa ensuite de ce que pensait celui-ci des rumeurs qui étaient venues jusqu’à lui au sujet de la chute probable du ministère et lui demanda si Audley se montrait affecté de ces bruits. Mais ici Randal, comprenant qu’Harley ne pouvait rien lui communiquer, se montra prudent et réservé.

« La perte du pouvoir ne saurait, à mon avis, affecter un homme comme Audley, dit lord L’Estrange. Il sera tout aussi puissant dans l’opposition, peut-être davantage, et quant aux émoluments…

— Les émoluments sont considérables, fit Randal avec un léger soupir.

— Assez considérables, je suppose, pour payer environ le dixième des dépenses qu’impose à notre généreux ami la place qu’il occupe. Non, nos hommes d’État anglais ont du moins cela de bon, qu’on ne saurait dire qu’aucun d’eux se soit jamais enrichi au pouvoir.

— Et la fortune de M. Egerton est sans doute considérable ? dit négligemment Randal.

— Du moins elle doit l’être, s’il a eu le temps de s’en occuper. »

Ils passèrent ici devant l’hôtel où logeait le comte de Peschiera.

Randal s’arrêta « Voulez-vous m’excuser un instant ? Nous passons devant un hôtel où je veux mettre ma carte. » Ce disant, il donna sa carte à un valet debout devant la porte.