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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/277

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« Ai-je votre promesse ?

— Oh ! oui, oui, mais à la condition que tu n’échangeras avec Audley aucune parole de nature à amener une querelle qui…

— Une querelle ! interrompit Harley. Je vous répète que l’idée d’un duel avec mon ami de collège et pour un motif que nous ne pourrions expliquer à personne, serait une idée burlesque. J’accepte votre promesse, et je la scelle ainsi. Il pressa ses lèvres sur le front de sa mère et reçut passivement ses caresses.

— Chut ! dit-il en la repoussant doucement : j’entends la voix de mon père. »

Lord Lansmere ouvrit la porte toute grande, non sans une certaine conviction qu’une porte par laquelle entrait un comte de Lansmere devait être ainsi ouverte. Elle n’eût pu l’être avec plus de majesté quand même un huissier eût été debout de chaque côté. La comtesse passant légèrement devant son mari s’échappa.

« J’étais occupé avec mon architecte à examiner les devis du nouvel hospice dont je veux doter le comté. Je viens seulement d’apprendre que vous étiez ici, Harley. Qu’est-ce que tout ce bruit au sujet de Violante ? Ne nous revient-elle pas ? Votre mère m’a renvoyé à vous pour les explications.

— Je vous les donnerai plus tard, mon bon père ; en ce moment je suis tout à la politique.

— Les affaires politiques sont en effet bien inquiétantes. Je suis heureux de vous entendre parler ainsi. La crise qui se prépare sera terrible, Harley ! Et, bonté du ciel ! N’est-on pas venu me dire qu’un paysan, né à Lansmere, mais qui a fait sa fortune en Amérique, s’apprête à vous disputer le bourg. C’est, dit-on, un Avenel, un bleu de naissance, est-ce bien possible ?

— Je suis ici pour cette affaire. Comme membre de la Chambre haute vous ne pouvez naturellement intervenir. Mais je me propose, avec votre agrément, de me rendre à Lansmere et d’entreprendre moi-même la direction de la lutte. Mieux vaudrait peut-être que vous ne fussiez pas présent, cela nous laisserait plus de liberté.

— Mon cher Harley, donnez-moi la main. Tout ce que vous voudrez. Vous savez combien j’ai désiré de vous voir agir et jouer le rôle qui convient à votre naissance.

— Ah ! vous pensez que j’ai jusqu’ici perdu et gâché mon existence.

— Franchement, oui, mon cher Harley, dit le comte avec un orgueil dont la source n’était pas sans noblesse, ni l’expression dépourvue de dignité : Plus nous avons reçu de notre pays, plus nous lui devons en retour. Vous êtes né l’héritier de terres et d’honneurs, et, par suite, vous avez été chargé d’une mission qu’un gentilhomme se dégrade en négligeant de remplir. »

Harley écoutait son père d’un air sombre et ne lui fit pas de réponse directe.

« À dire le vrai, reprit le comte, je préférerais vous voir travailler pour vous-même, plutôt que pour votre ami Egerton. Mais enfin, il