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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/283

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C’est moi qui lui ai conseillé, qui l’ai pressé d’agir ainsi. Comme moi, il ignorait tout. Pardonnez-lui, pardonnez-lui !

— Monsieur Dale, dit Harley se levant et tendant une main que le pauvre curé osa à peine serrer, monsieur Dale, vous êtes un digne homme, si toutefois il y a dans ce monde menteur un seul homme qui ne trompe pas notre jugement lorsque nous le croyons honnête. Permettez-moi seulement de vous demander pourquoi vous considérez Léonard Fairfield comme mon fils ?

— N’ai-je pas été témoin de votre ardente affection pour Nora ? Rappelez-vous qu’à cette époque j’allais fréquemment au château, et il était si naturel que vos qualités brillantes captivassent son imagination délicate, son cœur affectueux…

— C’était naturel, croyez-vous ?… Continuez.

— Votre mère vous sépara comme il convenait ; mais je sus cependant que vous nourrissiez toujours une passion que votre rang empêchait de devenir légitime. Pauvre fille ! Elle quitta la maison de sa protectrice lady Jane, et l’on ne sut plus rien d’elle jusqu’au jour où elle revint chez son père pour y donner naissance à un fils et mourir. Ce jour-là même vous vous enfuîtes de Lansmere, et depuis vous n’y êtes jamais revenu. Ah ! sans doute votre conscience parlait trop haut. »

Harley respirait avec effort ; il fit un signe de la main, M. Dale reprit :

« Quel autre que vous pouvais-je soupçonner ? Je fis des recherches ; elles confirmèrent mes soupçons.

— Peut-être questionnâtes-vous mon ami, M. Egerton ? Il était avec moi lorsque… lorsque, comme vous le dites, je m’enfuis de Lansmere.

— C’est ce que je fis, milord.

— Et lui ?

— Il nia que vous fussiez coupable, mais un homme d’honneur ne sait pas feindre habilement. Ses dénégations ne réussirent pas à me tromper.

— L’honnête homme ! fit Harley, et sa main serra convulsivement les papiers qu’il avait placés sur sa poitrine. Il savait donc aussi que Léonora avait laissé un fils ?

— Oui, milord ; naturellement je le lui avais dit.

— Le fils que j’ai trouvé mourant de faim dans les rues de Londres ! Monsieur Dale, comme vous le voyez, vos paroles me touchent vivement. Je ne puis nier que celui qui a trompé Nora Avenel (et il doit pour cela avoir eu recours à d’étranges artifices, car Nora n’était pas de celles qu’on entraîne aisément au mal)…

— Non, en vérité.

— Et qui a ensuite abandonné le fruit de son crime ; je ne puis nier que cet homme ne mérite un châtiment, ne doive expier sa faute. N’ai-je pas raison en cela ? Répondez-moi avec la droiture qui sied à votre caractère sacré.

— Je ne puis dire le contraire, milord, répondit le curé, com-