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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/284

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patissant à ce qu’il prenait pour de vifs remords. Mais s’il se repent…

— Il suffit, interrompît Harley ; je vous donne maintenant rendez-vous à Lansmere ; laissez-moi votre adresse et je vous ferai savoir le jour où votre présence y sera nécessaire. Léonard Fairfield retrouvera un père… j’allais dire digne de lui. Quant au reste… attendez un instant, je vous prie, et rasseyez-vous. Quant au reste, » et un sinistre sourire éclaira de nouveau la figure d’Harley, « je ne vous dirai pas encore si je puis ou si je dois céder à un prétendant plus jeune et plus aimable la personne qui a bien voulu m’accorder sa main. Mais, en attendant, que pensez-vous de cette proposition ? M. Avenel désire que son neveu se présente pour le bourg de Lansmere — il m’a pressé d’obtenir le consentement du jeune homme. À la vérité il peut par là mettre en péril la nomination de M. Egerton. Mais M. Egerton est un personnage trop important pour ne pas se faire aisément nommer ailleurs ; ceci ne doit pas nous arrêter. Que Léonard obéisse à son oncle. S’il réussit, il sera, aux yeux du monde, un parti plus digne de miss Digby — toujours dans le cas où elle le préférerait à moi ; et s’il en est autrement, la vie politique est un remède à tous les chagrins privés. C’est la maxime de M. Egerton, et Audley, comme vous savez, est non-seulement un homme d’honneur, mais encore un homme d’une sagesse consommée. Ma proposition vous convient-elle ?

— Elle me paraît des plus sages et des plus généreuses.

— Alors vous voudrez bien remettre à Léonard les quelques lignes que je vais lui écrire.

« Lord L’Estrange à Léonard Fairfield.

« J’ai lu le mémoire que vous m’avez confié. Je suivrai tous les indices que j’y ai trouvés. En attendant, je vous prie de suspendre toutes questions, de vous abstenir de toute allusion à un sujet auquel, comme vous pouvez le supposer, se rattachent pour moi des souvenirs douloureux. Je me vois en ce moment contraint de tourner toutes mes pensées vers des affaires d’une nature publique, mais qui cependant peuvent avoir pour vous une grande importance. J’ai des raisons de vous engager à céder aux désirs de votre oncle et à vous présenter aux prochaines élections. Si dans l’exagération de votre reconnaissance vous croyez m’avoir quelques obligations, j’en serai largement récompensé le jour où je vous entendrai proclamer député de Lansmere. Comptant sur ce généreux principe de dévouement qui vous dirige toujours, j’espère vous voir sacrifier vos prédilections pour la vie privée, et entrer dans cette noble arène où mon ami Audley Egerton s’est acquis tant de gloire. À la vérité, vous serez son compétiteur, mais il est trop généreux pour ne pas me pardonner l’intérêt que je prends naturellement à votre carrière. Et comme M. Randal Leslie se présente en même temps qu’Egerton, et que, selon M. Avenel, deux candidats du même parti ne peuvent réussir