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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/294

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« Maintenant, baron Lévy, vous convient-il d’aller vous pendre dans votre cabinet, ou de consentir à mes conditions, qui sont d’ailleurs très-modérées ? Vous gardez le silence. Je vais vous rassurer en vous exposant ce dont il s’agit ; jusqu’à ce que les élections générales qui vont avoir lieu soient terminées, vous m’obéirez à la lettre dans tout ce que j’exigerai de vous, — sans tergiversations ni scrupules. Et la première preuve d’obéissance que je vous demande, c’est une communication exacte de toutes les affaires pécuniaires de M. Audley Egerton.

— Mon client, M. Egerton, vous a-t-il autorisé à me demander cette communication ?

— Au contraire, vous devrez cacher à votre client tout ce qui se sera passé entre nous.

— Vous voulez sauver de la ruine votre fidèle ami, M. Egerton, dit Lévy avec un sourire livide.

— Vous vous trompez encore, baron Lévy ; si je voulais le sauver de la ruine, ce n’est probablement pas à vous que je demanderais de m’aider.

— Oh ! je devine. Vous avez appris comment il…

— Ne devinez rien, mais obéissez en tout. Descendons dans votre cabinet. »

Lévy, sans dire un mot, reconduisit lord L’Estrange dans son repaire de destruction — tout brillant de spoliara en bois de rose, puis il dit : « Si vous voulez, milord, vous venger d’Egerton, il était inutile d’user de menaces ; je hais cet homme, autant que vous pouvez le haïr. »

Harley regarda fixement l’usurier et éprouva un moment d’angoisse à la pensée de s’être abaissé jusqu’à un sentiment qu’il partageait. Néanmoins l’entrevue se termina sans doute amicalement et par des arrangements satisfaisants, car lorsque le baron reconduisit cérémonieusement lord L’Estrange jusqu’à la porte, son noble visiteur lui dit avec une affabilité marquée :

« Ainsi donc, je vous verrai à Lansmere avec M. Egerton, pour l’aider à diriger son élection. Ce sera un sacrifice de temps digne de votre amitié. Pas un pas de plus, je vous en prie. Baron, j’ai l’honneur de vous souhaiter le bonsoir. »

Au moment où la porte de la rue s’ouvrait pour laisser sortir lord L’Estrange, celui-ci se trouva de nouveau face à face avec Randal.

— Ah ! monsieur Leslie, dit-il, vous êtes donc aussi des clients du baron ? C’est un homme fort utile et fort accommodant. »

Randal balbutia : « Je viens en toute hâte de la Chambre des communes pour les affaires de M. Egerton. N’entendez-vous pas les vendeurs de journaux qui crient : Grande nouvelle, — dissolution du Parlement.

— Nous sommes prêts. Lévy lui-même consent à nous aider de ses talents. C’est un garçon très-obligeant et de plus fort habile. »

Randal se rendit au cabinet de Lévy, où l’usurier s’était réfugié, et où il s’essuyait en ce moment le front avec un mouchoir parfumé ;