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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/295

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en nage, l’œil hagard, il paraissait fort indifférent à ce qui concernait Randal.

« Qu’est ceci ? cria le jeune homme. Je viens pour vous apprendre le premier l’échec de Peschiera, ce fat ridicule, et je rencontre à votre porte le dernier homme que j’aurais cru y trouver, celui qui nous a tous joués, lord L’Estrange. Qui peut l’amener ici ? Ah ! l’intérêt qu’il prend à l’élection d’Egerton, peut-être.

— Oui, fit Lévy d’un air sombre. Je sais tout ce qui a rapport à Peschiera. Je ne puis vous parler en ce moment, il faut que je fasse mes préparatifs pour me rendre à Lansmere.

— Mais n’oubliez pas mon affaire avec Thornhill, au moins, j’aurai bientôt l’argent et d’une source plus sûre que celle de Peschiera.

— Du squire ?

— Ou bien d’un riche beau-père. »

Lorsque lord L’Estrange entra dans Bond-street, il fut étourdi par les vociférations des stentors au service du Standard, du Sun et du Globe. « Grandes nouvelles ! Dissolution du Parlement ! grandes nouvelles ! » Le gaz était allumé, un brouillard noir s’élevait dans les rues, se confondant avec les ombres de la nuit tombante. Les hommes paraissaient grandis par le brouillard. Les lumières des boutiques étaient rouges et lugubres. Les passants s’entretenaient avec chaleur du roi, des lords, des communes, de la « constitution en péril, » ou du « triomphe des opinions libérales, » selon leurs tendances diverses.

Entendant tout cela avec mépris, Harley sombre et isolé poursuivait son chemin. En même temps que ses passions violentes s’était réveillée en lui l’intelligence supérieure qui les rendait doublement dangereuses. Il possédait maintenant l’orgueilleuse conscience de ses puissantes facultés, mais il n’en triomphait qu’autant qu’elles pouvaient servir au but qui les avait stimulées.

« J’ai pris la place du destin, se disait-il intérieurement ; je ne demande aux dieux que de rester neutres pendant que j’ourdis ma trame. Puis ensuite, semblable au destin lui-même lorsqu’il a rempli sa mission, je m’évanouirai dans l’ombre. Que je suis fatigué de ce monde des hommes ! » Et toujours le cri : « Grandes nouvelles ! Dissolution du Parlement, crise nationale ! grandes nouvelles ! » retentissait parmi la foule affairée.


CHAPITRE XVIII.

La scène se passe au château de Lansmere, vaste édifice commencé sous le règne de Charles II, agrandi et restauré sous la reine Anne, brillant intervalle dans l’histoire de nos mœurs nationales, époque