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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/304

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l’éloge d’Harley il eut conquis l’attention et la bienveillance de la jeune Italienne, il découvrit que cette ressemblance venait d’une certaine similitude de caractère entre les deux femmes : c’était le même contraste de pensées élevées et d’innocence presque enfantine, la même vivacité d’enthousiasme, la même exubérance d’imagination et de sentiment. La ressemblance des âmes se trahit dans les regards. D’un autre côté, la société qu’Harley recherchait le plus volontiers dans ses rares moments de loisir, c’était celle d’Hélène Digby. Un jour Audley Egerton, debout près de la fenêtre du salon appropriée à son usage, les vit tous deux traverser le parc en causant ensemble. « Plaise à Dieu qu’elle le dédommage du passé ! murmura Audley, qui les croyait encore fiancés ; mais combien j’eusse préféré que ce fût Violante ! J’aurais alors été certain que l’avenir le consolerait du passé, et j’aurais eu le courage de lui tout avouer ; lorsqu’hier soir je parlais de ce qu’Harley devrait être pour l’Angleterre, combien le sourire et le regard de Violante ressemblaient à ceux de Nora, lorsque jadis celle-ci m’écoutait, avec une radieuse sympathie exprimer les espérances de ma jeune ambition. » Il se détourna en poussant un soupir et se mit résolûment à lire la volumineuse correspondance qui couvrait son bureau, puis ensuite à y répondre ; car la rentrée d’Audley au Parlement étant regardée par son parti comme une chose certaine, on lui communiquait les craintes et les espérances de la nombreuse et influente section dont les membres le regardaient comme leur chef futur, et qui, dans ces élections (sans précédent quant au nombre d’hommes distingués qu’elles devaient exclure du Parlement, et à la quantité d’hommes nouveaux qu’elles y firent entrer), fondaient leur espoir de rentrer au pouvoir uniquement sur la certitude avec laquelle Egerton prédisait une réaction de cette opinion publique qu’il avait jusqu’ici si parfaitement jugée ; puis l’on voyait maintenant trop clairement que ses conseils, suivis à temps, eussent réussi à sauver l’existence et la popularité d’une administration dont les membres les plus distingués osaient à peine paraître sur les hustings.

Lord L’Estrange conduisit sa jeune compagne vers le milieu du parc, sur une colline au sommet de laquelle on avait bâti un pavillon circulaire, d’où l’on dominait tout le pays d’alentour. Ils marchèrent en silence jusqu’à ce qu’ils eussent atteint le sommet de la colline ; ils s’arrêtèrent alors et Harley dit : « Hélène, vous savez que Léonard est dans la ville, bien que je ne puisse le recevoir au château, puisqu’il est le rival de mes hôtes Egerton et Leslie ?

Hélène. Cela me paraît bien étrange. Comment Léonard a-t-il pu faire quelque chose qui vous soit hostile ?

Harley. Son hostilité envers moi lui nuirait-elle donc dans votre esprit ? S’il sait que je suis son rival, cette rivalité n’implique-t-elle pas la haine ?

Hélène. Oh ! milord, comment pouvez-vous parler ainsi ? Vous, être haï ! et par Léonard Fairfield !

Harley. Vous éludez ma question. Je vous demande si sa haine ou son hostilité contre moi modifierait vos sentiments envers lui.