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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/314

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— Belle remarque ! fit Lévy avec admiration, Peschiera : bien qu’il ne fût pas sot, a entièrement échoué, et lorsque la déconvenue d’un homme que j’ai voulu servir est complète, j’ai pour maxime de l’abandonner.

— Naturellement, fit Randal.

— Naturellement, répéta le baron. D’un autre côté, vous savez que j’aime à pousser les jeunes gens capables et qui promettent. Vous êtes réellement fort intelligent, mais comment se fait-il que vous ne parliez pas mieux ? Savez-vous que je doute beaucoup que vous fassiez à la Chambre des communes tout ce que j’attendais de vous d’après votre adresse et votre présence d’esprit dans la vie privée.

— Parce que je ne puis parler le vulgaire langage de la foule ? Bast ! Je réussirai partout où la science sera la puissance. En outre, il faut faire la part de ma position infernale. Vous savez qu’après tout Avenel, s’il ne peut faire nommer que lui ou son neveu, tient entre ses mains le choix du candidat de notre côté. Je ne puis donc m’attaquer ni à lui ni à son insolent neveu.

— Insolent, non, mais amèrement éloquent. Il vous atteint en pleine poitrine. Il faut convenir que vous n’êtes pas de force contre lui devant un auditoire populaire, bien qu’en petit comité, le diable lui-même fût à peine capable de l’emporter sur vous. Mais parlons de choses plus sérieuses. Votre élection est presque assurée ; votre femme vous est promise ; mais les anciennes terres des Leslie dont Thornhill est actuellement possesseur, vous ne les avez pas rachetées et votre espoir de les racheter me paraît en grand péril. Je n’ai pas voulu vous en parler ce matin, cela vous aurait mis de mauvaise humeur pour vos visites électorales, mais j’ai reçu une lettre de Thornhill lui-même. On lui offre ce qu’il demande, à mille livres près. C’est un alderman de la Cité, du nom de Jobson, un homme riche, à ce qu’il paraît, et de peu de paroles ; il a fixé le jour auquel il exige une réponse définitive, et c’est le —, deux jours avant l’élection de Lansmere. L’animal déclare qu’il fera un autre placement si Thornhill n’accepte pas ses conditions dans le délai donné. Comme Thornhill les acceptera certainement, à moins que je ne lui fasse une promesse positive de conditions meilleures, et comme les fonds sur lesquels vous comptiez dans le cas du mariage de Peschiera avec Violante et de Frank Hazeldean avec Mme di Negra vous manquent, je ne sache pour vous aucun espoir de vous procurer à temps l’argent nécessaire, et il faut vous résigner à voir les anciens domaines des Leslie appartenir à un Jobson.

— Je ne tiens à rien au monde plus qu’à ces domaines de mes ancêtres, dit Randal avec une véhémence inaccoutumée. Bien peu de choses me paraissent dignes de respect, parmi les vivants, mais je révère les morts. Mon mariage se fera prochainement, et la dot de ma femme couvrira largement la misérable avance dont j’ai besoin.

— Oui, mais la perspective d’un mariage avec la fille d’un homme