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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/315

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dont les biens sont encore sous le séquestre n’offrirait pas une garantie suffisante au prêteur.

— Mais vous, dit Randal, qui m’avez offert de m’aider alors que l’état de ma fortune était infiniment plus précaire qu’aujourd’hui, ne pourriez-vous maintenant me prêter cet argent, comme ami, et garder les titres de la propriété comme…

— Comme homme d’affaires, acheva le baron en souriant. Non, mon cher, je suis toujours disposé à vous avancer la moitié de la somme, mais la totalité est plus que je ne puis dépenser comme ami, ou risquer comme homme d’affaires, et s’il arrivait qu’à défaut de payement de votre part les domaines tombassent entre mes mains, on pourrait me soupçonner d’avoir été l’acheteur réel des propriétés d’un de mes clients dans l’embarras, ce qui serait contre toutes les règles et ferait le plus grand tort à ma réputation. Mais, j’y pense maintenant, le squire Hazeldean n’a-t-il pas promis de vous aider dans cette circonstance ?

— Oui, il m’avait promis de le faire aussitôt que le mariage de Frank avec Mme di Negra aurait cessé de le préoccuper. J’ai l’intention de me rendre à Hazeldean immédiatement après les élections, car comment quitter Lansmere en ce moment ?

— Ce serait renoncer à votre nomination. Mais pourquoi ne pas écrire au squire ?

— En général, j’ai pour maxime de ne pas écrire lorsque je puis parler, mais ici je n’ai pas le choix ; je vais donc écrire sur-le-champ. En attendant, parlez à Thornhill ; entretenez ses espérances, et ayez soin qu’il ne termine pas avec cet avide alderman avant le jour fixé pour la décision.

— C’est ce que j’ai fait, et ma lettre est déjà partie. Maintenant, agissez de votre côté ; et si vous écrivez aussi habilement que vous parlez, vous tireriez de l’argent d’un cœur plus dur que celui du pauvre M. Hazeldean. Je vous laisse maintenant… bonsoir ! »

Lévy prit son chandelier, fit un signe de tête, bâilla et se retira. Randal suspendit encore la composition de son discours électoral pour écrire l’épître suivante :

« Mon cher monsieur Hazeldean, en quittant Londres, je vous ai écrit quelques lignes à la hâte pour vous apprendre que le mariage que vous redoutiez si fort était rompu, remettant les détails à une prochaine visite que je me promettais de vous faire pendant mon séjour à Lansmere. Mais j’étais loin de m’attendre à la lutte acharnée qu’il nous faut soutenir. De toutes les élections d’Angleterre, aucune ne sera, je crois, l’occasion d’un triomphe plus éclatant ou d’une défaite plus accablante pour l’intérêt territorial. Car dans cette ville dont la richesse repose tout entière sur l’agriculture, nous avons pour adversaire un manufacturier qui professe les principes les plus révolutionnaires, et qui a l’audace de se présenter, ainsi que son neveu (ce même garçon dont j’ai autrefois châtié l’impudence sur le pré communal d’Hazeldean), qui a l’audace, dis-je, de vouloir, avec ce paysan son neveu, l’emporter pour la députation de Lansmere sur l’influence