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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/316

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du comte, sur votre illustre frère ; — je ne dis rien de moi-même. Je voudrais que vous entendissiez dans quel langage ces deux hommes parlent de votre famille. Si nous sommes battus par de telles gens dans un bourg qui passe pour être aussi loyal que Lansmere, tout propriétaire devra trembler devant ce pronostic de la ruine dont est menacée, non-seulement notre constitution anglaise, mais l’existence même de la propriété. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’en une semblable occasion je ne m’épargne pas, d’autant plus que, M. Egerton étant malade, toute la fatigue des sollicitations retombe sur moi. Je sens, mon cher et respectable ami, que je suis un véritable Hazeldean, que je combats pour votre cause, et cette pensée m’encourage et me soutient. Je ne pourrai donc aller vous voir avant que les élections soient terminées, et je comprends qu’en attendant, mistress Hazeldean et vous, devez être impatients d’en savoir, sur l’affaire qui vous a tant inquiétés, plus que je ne vous en ai dit et que je ne puis vous en dire dans une lettre. Soyez sûrs néanmoins que le danger est passé, la dame est maintenant sur le continent. Frank m’a montré la lettre si tendre que lui a écrite mistress Hazeldean, et je l’ai supplié de se rendre aussitôt près de vous pour vous rassurer complètement. Malheureusement il n’a pas voulu suivre mon conseil, et il m’a parlé d’aller, lui aussi, sur le continent, non pas cependant, j’en suis certain, à la poursuite de Mme di Negra ; mais néanmoins… en un mot, je serais bien heureux de vous voir et de causer avec vous de tout cela. Ne pourriez-vous venir ici ? Faites-le, je vous prie. Et maintenant, au risque de vous faire croire que je ne songe en cela qu’à mon propre intérêt, (mais non, votre noble cœur ne me méconnaîtra pas ainsi !) j’ajouterai avec franchise que si vous pouviez m’avancer immédiatement la somme que vous m’avez si généreusement offerte, vous empêcheriez que ces terres de ma famille ne nous échappassent à tout jamais. Un alderman de la Cité, un nommé Jobson, spéculant bassement sur l’embarras où se trouve M. Thornhill, veut lui acheter ces terres aux plus dures conditions. Il exige que Thornhill lui réponde avant le 22 courant, et Lévy, qui est ici pour travailler à l’élection de M. Egerton, m’apprend que Thornhill acceptera ses offres, à moins que je ne puisse fournir sur-le-champ dix mille livres ; Lévy me prêtera les dix mille autres. Que cette libéralité de l’usurier ne vous étonne pas ; il sait que je suis sur le point d’épouser une riche héritière (vous serez bien aise quand vous la connaîtrez et vous comprendrez mon indifférence pour miss Sticktorights) et que la dot de ma future me permettra de rembourser bientôt son prêt et le vôtre, si je puis avoir confiance dans votre généreuse affection pour le petit-fils d’une Hazeldean ! Ce qui diminue mes scrupules dans l’appel que je fais à votre bonté, c’est que je sais avec quel regret vous verriez un Jobson, qui n’a jamais eu de grand-père, s’emparer, au détriment de votre parent, des terres de ses ancêtres. Je suis bien convaincu d’une chose, c’est qu’il faut que nous autres, squires et fils de squires, nous fassions cause commune contre ces grands capitalistes, sans quoi, avant un demi-siècle, ils auront acheté toutes nos terres. La vieille