Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Estrange et la rupture de ses engagements envers celui-ci. Violante comprit qu’Harley était libre, et se souvint qu’Harley avait promis de la rendre libre elle-même. Un éclair illumina soudain son cœur et son esprit, et se rappelant les regards, les paroles de lord L’Estrange, elle comprit qu’elle était aimée, que l’honneur seul, pendant qu’ils étaient liés tous deux, l’avait empêché d’avouer cet amour ; Violante se sentit tout à coup transformée, le ciel était dans son cœur et la joie dans ses yeux ; elle aimait si ardemment et elle avait en Harley tant de confiance ! Dans la tendresse dont son cœur débordait elle trouva pour Hélène de si douces paroles de consolation que celle-ci s’appuya affectueusement sur elle, leurs joues se touchèrent, et l’on eût dit deux sœurs.

En tout autre moment, M. Dale eût été étonné de l’affection soudaine que se témoignaient les deux jeunes filles ; car dans une conversation avec Violante, lorsqu’il avait (selon lui très-adroitement) sondé la jeune Italienne au sujet de sa jeune amie, Violante avait presque réclamé contre ce titre d’amie, et bien qu’elle eût généreusement loué Hélène, ses louanges n’avaient pas paru très-cordiales au bon curé. Mais en ce moment il était préoccupé de sa prochaine entrevue avec lord L’Estrange, il s’approcha en silence des jeunes personnes, et passant un bras de chacune d’elles sous les siens, il se dirigea lentement vers la maison. En approchant de la terrasse, il vit Riccabocca et Randal qui s’y promenaient ensemble. Violante lui pressa le bras en disant tout bas : « Passons par l’autre côté, je voudrais vous parler un instant en particulier. » M. Dale, supposant qu’elle voulait éloigner Hélène, dit à celle-ci : « Ma chère demoiselle, vous voudrez bien m’excuser près du docteur Riccabocca qui me fait signe et qui est sans doute surpris de me voir ici, pendant que j’achèverai ce que je disais à Violante lorsque nous avons été interrompus. »

Hélène les quitta et Violante entraîna le ministre vers la porte d’une des ailes du château.

« Qu’avez-vous à me dire ? demanda M. Dale, surpris de ce qu’elle gardait le silence.

— Vous allez voir lord L’Estrange. N’épargnez rien pour le convaincre de la droiture de Léonard, le seul soupçon d’une trahison révolte tellement son noble cœur que peut-être ce soupçon a-t-il troublé son jugement.

— Vous semblez estimer bien haut le cœur de ce lord L’Estrange, mon enfant, » dit M. Dale avec quelque surprise. Violante rougit, mais elle continua d’un ton ferme et sérieux : « Il m’a dit… lord L’Estrange m’a dit dernièrement quelques paroles qui font que je suis bien contente que vous soyez ici, que vous le voyiez, car je sais combien vous êtes bon et sage, cher monsieur Dale ! Il parlait comme quelqu’un dont une injure grave aurait soudain assombri toutes les idées. Il parlait de retraite, de solitude, lui qui avant tout se doit à son pays. Je ne sais pas à quoi il fait allusion, à moins que ce ne soit à la rupture de son mariage avec Hélène.