Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quoi ! ce mariage est rompu ?

— C’est elle-même qui me l’a dit. Vous vous étonnez à bon droit qu’elle ait pu songer à un autre après l’avoir connu ! »

L’ecclésiastique regarda gravement la jeune enthousiaste, mais bien que les joues de Violante fussent couvertes de rougeur, sa physionomie était si ouverte et si innocente, que M. Dale se contenta de secouer la tête en disant :

« Je comprends parfaitement qu’Hélène lui préfère Léonard Fairfield. C’est une noble fille que n’ont égarée ni la vanité ni l’ambition, tentations que nous devons tous redouter, et peut-être plus que d’autres les jeunes filles qui se trouvent soudainement en contact avec le rang et l’opulence. Quant au mérite de ce gentilhomme, je ne sais encore si je dois le nier ou en tomber d’accord. Je suspends mon jugement jusqu’après notre entrevue. Est-ce là tout ce que vous aviez à me dire ? »

Violante garda un moment le silence. « Je ne saurais croire, dit-elle en souriant à demi, que le changement qui s’est produit en lui (car pour changé, il l’est), que ses mystérieuses allusions au sujet d’une injure reçue et d’une vengeance à exercer, aient pour unique cause son désappointement au sujet d’Hélène. Mais vous pouvez savoir cela ; savoir s’il est vraiment bien désappointé ; mais je ne le crois pas. » Puis elle glissa sa petite main hors du bras de M. Dale et s’élança dans les bosquets d’arbres verts. À moitié cachée par les lauriers, elle se retourna et le ministre rencontra son regard demi-malicieux, demi-mélancolique ; l’éclat en était voilé par une larme.

« Je n’aime pas du tout cela, murmura le ministre, j’en toucherai un mot au docteur Riccabocca. » Ce disant il ouvrit la porte, et apercevant un domestique, fit demander à lord L’Estrange s’il voudrait le recevoir.

Harley était en ce moment enfermé avec Lévy, sa physionomie était calme et sévère. « Ainsi donc, disait-il, demain à cette heure, M. Egerton apprendra que Randal Leslie lui a soufflé son élection. Bon ! Demain à cette heure son ambition sera frustrée par la trahison d’un ami. — Bon ! Demain à cette heure les recors se saisiront de sa personne ; il sera ruiné, mendiant et captif, et tout cela parce qu’il aura mis sa confiance dans les autres, qu’on l’aura trompé. — Bon ! Et s’il s’en prend à vous, prudent baron, s’il accuse M. Leslie, ne manquez pas de dire : « Nous n’avons été tops deux que les instruments aveugles de votre ami Harley L’Estrange. Demandez-lui pourquoi vous êtes une misérable dupe ?

— Et pourrais-je maintenant demander à Votre Seigneurie un mot d’explication ?

— Non, monsieur ; il doit vous suffire que je vous aie épargné. Mais vous, vous n’étiez pas mon ami ; je n’ai pas à me venger d’un homme dont je n’ai jamais touché la main. »

Le baron fronça les sourcils, mais la puissance et l’autorité de son tyran le terrifiaient. Il reprit après une pause :