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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/348

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rible des changements qu’une seule pensée coupable peut apporter dans la plus noble nature, se tenait debout au foyer de ses pères et au bord d’un abîme sans fond de honte et de douleur, Harley résolu et méprisant.

Une main tourne la clef ; il ne l’entend pas ; une figure franchit le seuil, il ne la voit pas ; un pas léger s’arrête ; un doux regard le contemple. Il reste aveugle et sourd.

Violante, prenant courage, avance encore, et la voilà debout à côté de lui.


CHAPITRE XXVIII.

« Lord L’Estrange ! mon noble ami !

— Vous ! et ici Violante ? Est-ce moi que vous cherchez ? Grand Dieu ! Qu’est-il arrivé ? Pourquoi êtes-vous si pâle ? Pourquoi tremblez-vous ?

— Avez-vous pardonné à Hélène ? dit Violante, maintenant loin d’être pâle et commençant par une question évasive.

— Hélène, la pauvre enfant ! Je n’ai rien à lui pardonner ; j’ai plutôt à la remercier ; elle a été franche et honnête.

— Et Léonard, lui avez-vous pardonné ?

— Belle médiatrice, dit Harley en souriant, mais avec froideur, heureux l’homme qui en trompe un autre ; tous plaident sa cause. Et si l’homme qui a été trompé ne peut pardonner, personne ne le plaint ni ne l’excuse.

— Mais Léonard ne vous a pas trompé ?

— Si, dès le commencement. C’est une longue histoire que je ne veux pas vous raconter ; mais je ne puis lui pardonner.

— Adieu donc, milord ! Il faut qu’Hélène vous soit encore bien chère ! Et Violante se détourna. Sa douleur était si naïve, sa colère même si charmante, que l’amour auquel Harley avait imposé silence pour être tout entier aux sombres passions qui l’agitaient, inonda de nouveau son cœur.

— Restez, mais ne me parlez pas d’Hélène, s’écria-t-il. Ah ! si l’unique offense de Léonard avait été ce que vous semblez penser, croyez-vous que j’en éprouvasse du ressentiment ? Non, j’aurais béni la main qui brisait un lien pesant et téméraire ; j’aurais donné ma pupille à son amant en la dotant comme il convenait à ma fortune. Mais son offense date de sa naissance même. Rendre heureux et enrichir le fils d’un homme qui… Écoutez-moi, Violante. Nous serons sans doute bientôt séparés pour jamais. Mes actions seront peut-être faussement interprétées par d’autres ; je veux du moins que vous en connaissiez le motif véritable. Il y a eu un homme que depuis