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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/351

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— À vous ? oh ! ne craignez rien. Je puis préparer à Randal Leslie un triomphe passager sur son patron, mais dans l’heure qui suivra, je démasquerai sa scélératesse et il sera pour jamais balayé de votre chemin. — Que vous reste-t-il dans l’avenir ? Les droits de votre naissance et votre pays ; l’espoir, la joie, l’amour, le bonheur. S’il était possible que dans ces gracieux rêves qui agitent le cœur de la jeunesse sans en atteindre les profondeurs, s’il était passible que vous m’eussiez honoré d’un sentiment plus doux que l’amitié, vous l’oublierez bientôt en faisant l’orgueil et les délices d’un homme de votre âge, pour qui l’avenir ne sera pas peuplé de spectres glacés et menaçants, d’un homme qui pourra contempler ce divin visage, sans se dire : « Elle est trop belle pour moi ! »

— Ô douleur ! s’écria Violante avec un accent passionné. À votre tour, écoutez-moi. Si comme vous me le promettez, je suis délivrée de l’horrible pensée que celui dont le seul contact me fait frissonner, ait le droit d’exiger ma main, mon choix est fait irrévocablement. Les autels qui m’attendent ne sont pas ceux de l’amour humain. Mais je vous conjure, par tous les souvenirs de votre vie jusqu’ici, douloureuse peut-être, mais demeurée sans tache, par le généreux intérêt que vous ressentez pour celle que vous avez deux fois sauvée d’un danger pire que la mort, laissez-moi, oh ! laissez-moi le droit de contempler votre image telle qu’elle m’est apparue depuis mon enfance. Laissez-moi le droit de l’honorer et de la révérer. Qu’un acte entaché de bassesse (quel mot !), de bassesse et de cruauté, que dément votre vie tout entière, ne fasse pas d’un souvenir reconnaissant, un péché ! Lorsque je m’agenouillerai derrière les murs qui me sépareront du monde, oh ! laissez-moi penser que je puis prier pour vous comme pour l’être le plus noble qui soit sur la terre ! Écoutez ma prière, croyez-moi, je vous en conjure !

— Violante ! murmura Harley, agité des plus vives émotions, ayez pitié de ce que je souffre ; ne me demandez pas de sacrifier ce qui me semble la cause même de mon honneur ; ne me demandez pas de demeurer patient et calme sous une injure qui m’humilie en me convainquant que toute ma vie j’ai été misérablement dupe d’affections que je croyais sincères, de regrets que je croyais sacrés ! Ah ! c’est le pardon qui serait une bassesse et non pas la vengeance ! S’il s’agissait d’un ennemi avoué, à votre voix je lui ouvrirais les bras, mais l’ami perfide ! ne me le demandez pas. Les joues me brûlent à cette pensée, comme si j’eusse subi l’ignominie d’un soufflet. Laissez-moi libre demain seulement, je ne vous demande qu’un jour ! un seul jour pour moi-même et pour le passé, puis l’avenir vous appartiendra. Pardonnez, pardonnez les amères pensées qui ont étendu mes soupçons jusqu’à vous. Je les désavoue ; elles sont dissipées par ces touchantes paroles, par ce regard ingénu. À vos genoux, Violante, je me repens et je vous implore. Votre père lui-même chassera votre indigne prétendant. Demain, avant qu’il soit cette heure, vous serez libre. Oh ! alors, alors ! ne me donnerez-vous pas cette main pour me guider de nouveau vers le paradis de ma