Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépit de l’amitié de milord pour le Très-honorable, c’est vous qu’il désire voir nommer.

Randal. Il a certainement fait preuve de ce désir pendant tout le canvass.

Dick. Je suppose que les trafiquants de bourgs ont ailleurs un siège pour Egerton, ou peut-être si son parti rentre au pouvoir veut-on le hisser dans la Chambre haute.

Randal (souriant). Oh ! Avenel, que vous êtes habile et pénétrant ! Rien ne vous échappe. J’ajouterai aussi qu’Egerton a besoin de faire trêve quelque temps à la vie politique afin de soigner sa santé et de mettre ordre à ses affaires, sans quoi je n’aurais pu songer sans douleur, à me voir préférer à lui par les électeurs.

Dick. Sans douleur ! allons donc ! ces chênes ne nous entendent pas, mon cher. Vous voulez entrer au parlement, cela est clair. Si c’est moi qui me retire, comme je l’ai toujours désiré, et comme j’avais amené Léonard à y consentir avant ce satané discours de lord L’Estrange, vous y entrerez, car je mène les bas-jaunes à ma fantaisie, pourvu toutefois que les hauts-jaunes ne s’en mêlent pas ; en un mot, je pourrai vous transférer les votes qui m’ont été promis, mais je ne puis répondre de ceux qui sont promis à Léonard. Lévy me dit que vous allez épouser une héritière et être immensément riche ; alors, bien entendu, si vous profitez de mes votes, vous en payerez les frais.

Randal. Certainement, mon cher Avenel.

Dick. Et j’ai deux mémoires particuliers que je désire couler au parlement.

Randal. Comptez sur moi. M. Fairfield étant d’un côté de la chambre et moi de l’autre, à nous deux nous empêcherons toute opposition malveillante. C’est là une sorte d’affaire qui s’arrange aisément, avec le tact que je me flatte de posséder.

Dick. Et quand nous serons débarrassés des mémoires, et que vous aurez eu le temps de vous retourner, j’espère que vous comprendrez que marcher contre l’opinion publique c’est se frapper la tête contre un mur, et que l’opinion publique est décidément jaune.

Randal (avec candeur). Je ne saurais nier que l’opinion publique ne soit jaune, et à mon âge il est naturel que je ne me commette pas envers la politique d’une autre génération. Le bleu passe tout à fait de mode. Mais pour en revenir à M. Fairfield, vous ne parlez pas comme si vous n’aviez aucun espoir de le ramener à ses anciennes conventions avec vous. Sûrement son honneur y est engagé ?

Dick. Pour cela, je n’en sais trop rien ; mais il a maintenant pris goût à la vie politique, du moins il me le disait, pas plus tard que ce matin, avant que nous n’allassions à l’hôtel de ville, et j’espère que tout s’apaisera. Je l’ai laissé avec le curé Dale, qui m’a promis de faire tous ses efforts pour le réconcilier avec milord et l’empêcher d’agir étourdiment.

Randal. Mais pourquoi M. Fairfield se retirerait-il ? Parce que lord L’Estrange a froissé ses sentiments ? M. Fairfield lui, a cruel-