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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/360

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lement froissé les miens, et cela ne me donne pas l’idée de me désister.

Dick. Oh ! Léonard est poète, et les poètes sont tout aussi quinteux que les a représentés lord L’Estrange. Puis Léonard a des obligations à lord L’Estrange, et il avait cru lui faire plaisir en se présentant ; tandis que maintenant… en un mot, tout cela est pour moi de l’hébreu, et je ne comprends qu’une chose, c’est que Léonard a enfourché son grand cheval de bataille, et que si celui-ci le jette par terre, vous serez renversé du même coup. Mais j’ai grande confiance dans le curé, c’est un brave homme qui a beaucoup d’influence sur Léonard, et bien que j’aie cru prudent d’agir ouvertement et de vous avertir du danger, je puis toujours vous promettre une chose, c’est que si je me retire, vous serez nommé ; ainsi, donnez-moi la main.

Randal. Mon cher Avenel ! Et vous désirez vous retirer ?

Dick. Certainement. Je le ferai dans l’après-midi, après m’être arrangé pour me tenir un peu au-dessous de Léonard sur le poil. Vous connaissez Emmanuel Trout, le capitaine des cent cinquante ?

Randal. Parfaitement.

Dick. Eh bien ! lorsque Emmanuel Trout arrivera sur la plate-forme, vous saurez comment tourne l’élection. Les cent cinquante voteront tous comme lui. Il faut maintenant que je m’en retourne. Bonsoir ! Vous n’oublierez pas que c’est vous qui payez les dépenses. Vous y êtes engagé d’honneur. Mais si vous ne les payez pas, l’élection pourra être annulée. Nous lancerons une accusation de corruption, etc., etc. Si au contraire vous payez, Lansmere deviendra pour vous un siège à vie.

Randal. Vos dépenses seront payées aussitôt que mon mariage me permettra de les acquitter, et cela ne peut tarder.

Dick. C’est ce que dit Lévy. Et mes petites affaires — les mémoires privés ?

Randal. Regardez vos affaires comme faites et les mémoires comme payés.

Dick. Il ne faut pas non plus oublier son pays. On doit faire ce qu’on peut pour soutenir ses principes. Egerton est un bleu infernal. Vous convenez que l’opinion publique est…

Randal. Jaune, à n’en pas douter.

Dick. Bonsoir ! Ha ! ha ! un peu de blague, eh ?

Randal. De la blague ! Entre des hommes comme nous, fi donc ! Bonsoir, mon ami, je compte sur vous.

Dick. Oui, mais souvenez-vous que je ne vous garantis rien si Léonard se retire.

Randal. Il faut qu’il persiste ; vous devez l’exiger. Songez que votre présence est indispensable à vos affaires, à votre manufacture.

Dick. C’est vrai ; il faut absolument qu’il persiste. J’ai grande confiance dans le curé. »

Randal s’en retourna à travers le parc. Arrivé sur la terrasse, il rencontra soudain lord L’Estrange. « Je viens de faire un tour dans la ville, milord, dit-il. Un bruit étrange y circule. On dit que M. Fair-