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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/361

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field a été tellement blessé par quelques phrases de l’admirable discours de Votre Seigneurie, qu’il songe à se retirer de la lutte. Cela changerait la face des élections et brouillerait tous nos calculs. Je craindrais que dans ce cas il ne se formât quelque coalition secrète entre les amis d’Avenel et notre comité, auquel a déplu, m’a-t-on dit, le discours modéré qu’a si éloquemment défendu Votre Seigneurie ; coalition au moyen de laquelle Avenel serait nommé en même temps que M. Egerton ; tandis que si nous tenons bon tous quatre, la nomination de M. Egerton est toujours assurée, et j’ai moi-même, je crois, d’excellentes chances.

— Ah ! M. Fairfield veut se retirer par suite de mes paroles ! Je m’en vais à la ville, où j’ai l’intention de lui faire des excuses et de me rétracter.

— C’est agir noblement, milord. »

Lord L’Estrange regarda le visage de Leslie que la lune éclairait faiblement. « M. Egerton s’est préoccupé davantage de votre succès que du sien, » dit-il gravement, puis il s’éloigna.

Randal resta sur la terrasse. Peut-être les dernières paroles d’Harley lui avaient-elles causé un mouvement de componction. La tête penchée sur sa poitrine, il se promenait dans la longue allée sablée, faisant appel à toute son intelligence afin de résister à la tentation d’un sacrifice qui compromettrait ses intérêts.

« Le lâche coquin ! murmura Harley. Du moins je n’aurai pas à me repentir si je parviens à en faire justice. Ce n’est plus là de la vengeance, ce n’est qu’une rétribution méritée. Puis, en outre, comment pourrais-je autrement délivrer Violante ? » Et il se mit à rire ; il se sentait le cœur léger, il bondissait en avant aussi rapide que les cerfs qu’il réveillait parmi les hautes fougères.

Une centaine de pas après la barrière, il rencontra Richard Avenel, que déguisaient un paletot grossier et des lunettes bleues. Néanmoins l’œil perçant d’Harley reconnut aussitôt le candidat jaune. Il lui prit familièrement le bras : « Cela se rencontre bien, lui dit-il ; j’allais justement vous trouver, car nous avons encore à décider l’élection.

— Je maintiens les conditions que j’ai offertes à Votre Seigneurie, fit Dick étonné. Je consens à faire nommer un de vos candidats pourvu que ce ne soit pas Audley Egerton. »

Harley dit quelques mots à l’oreille d’Avenel. Celui-ci poussa une exclamation de surprise. Les deux gentlemen pressèrent le pas en causant avec animation.

« Certainement, dit Avenel s’arrêtant enfin, on est disposé à faire beaucoup pour un parent, surtout pour un parent qui vous fait tant d’honneur ; et puis comment voter contre son beau-frère ? Un gentleman dans une position si élevée, il poussera toute la famille. Mistress Richard Avenel va être enchantée. Pourquoi diable ne m’avez-vous pas dit cela plus tôt ? Et cette pauvre chère Nora ! Ah ! plût à Dieu qu’elle vécût ! Et la voix de Dick tremblait.

— Son nom sera réhabilité, et j’expliquerai à tout le monde com-