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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/362

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ment ç’a été par ma faute qu’Egerton n’a pas proclamé plus tôt leur mariage. Allons, tout est convenu, n’est-ce pas ?

— Non, milord ; j’ai donné ma parole ailleurs. Je ne vois pas comment je pourrais la retirer à Randal Leslie. Je ne suis pas d’une délicatesse outrée, ni ce qu’on appelle un Don Quichotte, mais enfin j’ai donné ma parole que si je me retirais de l’élection je ferais mon possible pour que Randal fût nommé de préférence à Egerton, et je la tiendrai.

— Je sais cela par le baron Lévy ; mais si c’est votre neveu qui se retire ?

— Oh ! cela mettrait fin à toutes les difficultés ; mais le pauvre garçon a maintenant le désir d’entrer au parlement, et il m’a rendu service quand j’étais dans l’embarras.

— Laissez-moi faire. Quant à Randal Leslie, il aura lui-même une occasion de vous décharger de votre promesse et de se relever ; heureux sera-t-il s’il a conservé une étincelle de reconnaissance ou d’honneur ! »

Ils continuèrent quelques instants à causer ; Dick paraissait avoir oublié l’élection elle-même en faisant des questions plus intéressantes pour son cœur, et, sur les réponses de lord L’Estrange, il lui serra la main avec émotion en murmurant : « Ma pauvre mère ! Je comprends maintenant pourquoi elle ne voulait jamais me parler de Nora. Quand pourrai-je lui dire la vérité ?

— Demain, après l’élection, Egerton vous embrassera tous. »

Dick fit un geste de surprise, et, rappelant à Harley qu’il n’y avait pas de temps à perdre, il le quitta pour s’enfoncer dans une ruelle conduisant au faubourg le plus obscur de la ville. Harley continua son chemin d’un pas léger qui avait retrouvé son élasticité accoutumée.

Au commencement de la Grand’-Rue, il rencontra M. Dale et Fairfield se donnant le bras.

« Je vous cherchais, Léonard, dit Harley. Donnez-moi la main. Oubliez, je vous prie, les paroles qui vous ont justement blessé. Je ferai plus que les rétracter, je réparerai l’injure. Excusez-moi, monsieur Dale, j’ai un mot à dire à Léonard en particulier, et il attira celui-ci à l’écart.

— J’apprends par Randal, dit-il, que vous retirer de cette lutte serait pour vous un sacrifice. Est-ce vrai ?

— Milord, j’ai des chagrins que je voudrais m’efforcer d’oublier, et, bien que j’aie reculé d’abord à l’idée de m’engager dans ce combat, la carrière littéraire me paraît maintenant avoir perdu son ancien charme, et je m’aperçois que la vie publique apporte aux pensées qui rendent la solitude amère, une distraction que ne sauraient procurer les livres. Si donc vous désirez que je continue la lutte, bien que j’ignore quels sont vos motifs, ce ne sera plus, comme au début, un pacte de pénible obéissance.

— Je comprends. Ç’a été un sacrifice de commencer la lutte, et c’en serait maintenant un autre de vous retirer.

— Franchement, oui, milord.