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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/380

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de rester longtemps au parlement, je vous en réponds. Si donc vous demeurez en bons termes avec les bleus, je ferai de mon mieux auprès des jaunes pour que vous puissiez me remplacer, car je ne crois pas que Léonard désire se présenter de nouveau. Ainsi donc, le sage entend à demi-mot et vous pouvez encore être malgré tout député de Lansmere.

« R. A. »

En lisant cette lettre Randal, malgré toute sa sagacité, ne comprit pas l’honnête componction de celui qui l’avait écrite. Il ne vit d’abord que le mauvais côté de la nature humaine, et s’imagina que c’était une misérable tentative faite pour calmer sa colère et obtenir sa discrétion. Mais, en y réfléchissant davantage, il pensa que Dick pouvait très-naturellement désirer être libre de retourner à sa manufacture et tirer de lui un quid pro quo, sous le titre compréhensif de « remboursement des dépenses. » Peut-être Avenel n’était-il pas fâché d’attendre que son mariage lui eût donné les moyens de faire ce remboursement. Peut-être même ne l’avait-il laissé battre ce jour-là qu’afin de lui extorquer de meilleures conditions lors d’une élection isolée. En raisonnant ainsi, Randal se consola dans la pensée des motifs mercenaires d’un autre. D’ailleurs, ce ne serait peut-être qu’un désappointement passager. Avant que le prochain parlement eût un mois d’existence, il pourrait s’asseoir à la chambre comme député de Lansmere ; tout dépendrait de son mariage avec l’héritière. C’était donc là le but qu’il devait avant tout poursuivre avec ardeur.

En attendant, il lui fallait combiner et rassembler ses idées, appeler à lui tout son courage et toute sa présence d’esprit. Il lui en coûtait de rentrer au château, de se retrouver en face d’Egerton, d’Harley, de tous. Mais il n’avait pas le choix. Il lui fallait rentrer en grâce auprès des bleus, défendre la marche qu’il avait adoptée dans la salle du comité. Là, le squire Hazeldean l’attendait sans doute avec l’argent destiné à l’achat des terres de Rood. Là était le duc de Serrano remis en possession de son rang et de ses richesses ; là enfin, était sa fiancée, la riche héritière dont l’alliance devait donner au gentilhomme ruiné et besogneux une fortune et une position. Peu à peu, avec l’élasticité de caractère qui caractérise les ambitieux systématiques, Randal Leslie cessa de se lamenter sur la ruine d’un de ses plans pour songer à l’accomplissement des autres. Se préparant donc à tout ce qui pouvait l’embarrasser, Randal rentra au château et trouva dans le vestibule le baron qui l’attendait.

« J’avoue, dit celui-ci, que je ne comprends rien à cette maudite élection. C’est surtout la conduite de L’Estrange qui m’intrigue ; mais je sais qu’il hait Egerton et qu’il trouvera quelqu’autre moyen de se venger. Savez-vous, Randal, qu’il est heureux pour vous de vous être assuré l’argent du squire et la main de l’héritière, autrement…

— Autrement quoi ?

— Je me laverais les mains de vos affaires, mon cher ; car, en dé-