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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/389

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Mais Randal, écartant avec impatience le curé qui lui parlait tout bas de consolation et de repentir, dit d’un ton plus ferme :

« Un combat personnel avec le comte de Peschiera ne saurait venger mon honneur, et je dédaigne de me défendre contre les accusations d’un usurier et d’un homme qui…

— Monsieur ! fit le comte en se redressant.

— D’un homme, persista Randal, qui de son propre aveu est lui-même coupable de tous les actes dont il voudrait me faire passer pour le complice, et qui maintenant, sans se justifier lui-même, voudrait en accuser un autre…

— Mon petit monsieur, fit le comte avec dédain, lorsque les hommes comme moi emploient les hommes comme vous, nous les récompensons lorsqu’ils nous ont rendu service, et lorsqu’ils ont échoué nous les renvoyons ; et si j’ai bien voulu condescendre à m’excuser d’un acte quelconque, sûrement monsieur Randal pourrait en faire autant sans manquer à sa dignité. Mais je ne me fusse jamais, monsieur, donné la peine de témoigner contre vous, si je n’avais appris que vous osiez prétendre à la main de la dame qu’avec moins de présomption j’avais espéré d’épouser. Qui m’assure dès lors que dans tout ceci vous ne m’avez pas trahi ? Quelle garantie ai-je qu’en feignant de me servir vous n’avez pas uniquement cherché à servir vos propres intérêts ? Quoi qu’il en soit, je n’avais qu’un moyen de réparer le tort que j’avais fait au chef de ma maison, c’était de préserver sa fille d’une mésalliance avec un imposteur qui avait favorisé mes plans pour de l’argent, et qui voulait maintenant en escamoter le fruit.

— Duc ! » s’écria Randal.

Mais le duc lui tourna le dos. Randal tendit les mains vers le squire. « Quoi ! monsieur Hazeldean ! Vous aussi, vous me condamnez sans m’entendre !

— Sans vous entendre ! Mais si vous avez quelque chose à dire, dites-le et justifiez-vous.

— Moi favoriser le mariage de Frank ! Moi sanctionner le post-obit ! Oh ! s’écria Randal, se rattachant au brin de paille, si Frank était seulement ici ! »

La compassion d’Harley s’évanouit à la vue de cette hypocrisie obstinée.

« Vous désirez la présence de Frank Hazeldean. C’est juste. » Harley ouvrit une porte et Frank apparut sur le seuil.

« Mon fils ! mon fils ! » s’écria le squire s’élançant vers Frank et le serrant sur sa large poitrine.

Ce touchant incident détourna le cours des sentiments de tous ceux qui étaient présents, et Randal fut oublié. Il profita du moment de répit que lui laissaient tous ces regards méprisants. Il se glissa vers la porte doucement et sans bruit, ainsi qu’une vipère blessée abaisse sa crête et rampe en se tordant dans l’herbe. Lévy le suivit jusqu’au seuil et lui dit tout bas :

« Je n’ai pu faire autrement, vous auriez fait de même à ma place. Comme vous voyez, vous avez échoué en tout, et nous sommes con-