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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/391

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vengeance (car je n’y ai pas renoncé), et ensuite permettez à mon cœur de parler, d’exprimer la prière que celle dont la douce voix l’émeut en ce moment, puisse être à jamais son ange gardien.

— Qu’avons-nous là ? cria soudain une voix étonnée ; et Harley en se retournant aperçut le duc. Celui-ci regardant avec une surprise comique tantôt Harley, tantôt Violante : Dois-je comprendre, dit-il, que vous…

— Que je ne vous débarrasse d’un prétendant à cette chère main, que pour la solliciter moi-même !

Corpo di Bacco ! s’écria le sage, tout près d’embrasser Harley ; c’est là en vérité une joyeuse nouvelle ! Mais il ne faut pas, cette fois, que je prenne d’engagement imprudent… que je contraigne encore les sentiments de ma fille. Et comme vous voyez, la voilà qui s’enfuit. »

Le duc étendit le bras et retint sa fille. Il l’attira sur son cœur et lui dit quelques mots à l’oreille. Violante, écarlate, appuya la tête sur l’épaule de son père.

— Là, dit le duc, mettant la main de sa fille dans celle d’Harley : je crois, que je n’entendrai plus guère parler du couvent. Mais je n’avais rien soupçonné de tout ceci. S’il y a au monde un langage pour lequel il n’y ait ni lexique ni grammaire, c’est celui dans lequel une femme pense, sans jamais le parler.

— C’est tout ce qui nous reste de la langue du paradis, dit Harley.

— Celle que parlaient Ève et le Serpent, dans leur dialogue, dit l’incorrigible philosophe. Mais qui vient là ?

— Notre ami Léonard. »

Léonard entra, et à peine Harley avait-il eu le temps de l’accueillir que le comte vint l’interrompre.

« Milord, lui dit-il, j’ai accompli ma promesse, et je vais maintenant vous quitter. Le baron Lévy retourne à Londres et m’offre une place dans sa voiture. Le duc et sa fille me pardonneront sans doute de ne pas prendre officiellement congé d’eux. Depuis nos changements respectifs de position, il ne me convient pas de me prévaloir de notre parenté ; il me convenait seulement de faire disparaître un des obstacles à cette réclamation. »

Lévy, qui était resté en arrière, s’arrêta pour parler à Harley.

« Votre Seigneurie expliquera sans doute à M. Egerton à quel point son fils adoptif mérite son estime, et comment il reconnaît ses bontés. Quant au reste, bien que vous ayez racheté les créances les plus pressantes, je doute que votre fortune même vous permette de payer les dettes de l’ex-ministre.

— Baron Lévy, dit brusquement Harley, si j’ai pardonné à M. Egerton, ne pouvez-vous lui pardonner aussi ? Il a eu des torts envers moi, tandis que c’est vous qui en avez eu envers lui.

— Non, milord, je ne saurais lui pardonner. Il ne vous a pas humilié, il ne vous a pas employé pour ses besoins tout en dédaignant votre société. Vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir débuté dans la vie en même temps qu’un homme qui ne vous était supérieur ni