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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/45

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sommes donc amis, et par conséquent vous me garderez le secret. Vous me demandez pourquoi je pense qu’il y aura bientôt des élections générales ? Je vais vous répondre franchement. De tous les hommes publics actuels, je n’en connais aucun qui ait une vue plus nette des choses immédiates, qu’Audley Egerton.

— C’est vrai, il n’y voit pas loin, mais il y voit très-clair dans une certaine limite.

— Précisément. Personne, par conséquent, n’est meilleur juge des flux et reflux de l’opinion publique.

— Accordé.

— Eh bien, Egerton compte sur des élections générales d’ici à trois mois, et je lui ai prêté de l’argent en conséquence.

— Vous lui avez prêté de l’argent ! Egerton vous emprunter de l’argent !… Le riche Audley Egerton.

— Riche ! » répéta Lévy avec un accent impossible à décrire et en accompagnant le mot de ce mouvement du pouce sur le doigt du milieu, qui indique un profond mépris.

Il ne s’expliqua pas davantage. Randal demeurait stupéfait, il murmura enfin :

« Mais si Egerton n’est pas riche… s’il perd le pouvoir sans espoir d’y revenir…

— S’il perd le pouvoir, il est ruiné, dit froidement Lévy, c’est pourquoi, par affection pour vous, et dans l’intérêt de votre avenir, je vous dis : « Ne fondez pas d’espoir de fortune ou de carrière sur Egerton. Gardez votre place pour le présent, mais préparez-vous lors des élections prochaines à soutenir les principes libéraux. Avenel vous fera nommer ; le reste dépendra de votre énergie et de votre talent : Maintenant, je ne vous retiens plus, » dit Lévy en se levant, pour sonner.

Un domestique entra.

« Ma voiture est-elle prête ?

— Oui, monsieur le baron.

— Puis-je vous déposer quelque part ?

— Non, merci : je préfère marcher.

— Adieu donc, et ayez soin de vous rappeler la soirée dansante de mistress Avenel. » Randal serra machinalement la main qui lui était tendue et descendit.

L’air frais et piquant du dehors ranima ses facultés intellectuelles que les paroles sinistres de Lévy avaient pour ainsi dire paralysées. La première chose qu’il se dit à lui-même fut celle-ci : « Quels motifs cet homme peut-il avoir de me dire ce qu’il m’a dit. » Et la seconde : « Egerton ruiné ! Et que suis-je alors, moi ? » Puis la troisième : « Et ce beau reste du domaine des Leslie ! vingt mille livres comptant.

« Comment me procurer cette somme ? Pourquoi Lévy m’a-t-il parlé de cela ? »

Puis le soliloque revint à son point de départ : « Les motifs de cet homme ? Quels pouvaient être les motifs de cet homme ? »