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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/71

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rance. Et ce nom de frère qui lui était autrefois si précieux et si cher, pourquoi lui faisait-il peur maintenant ? Pourquoi ne pouvait-il plus prononcer le doux nom de sœur ?

« Elle est au-dessus de moi maintenant et pour toujours ! » se dit-il avec tristesse ; et lorsqu’il parla de nouveau, le son même de sa voix était changé.

L’appel fait à son ancienne amitié n’avait servi qu’à le rendre plus froid et plus réservé ; il n’y fit même aucune réponse directe ; car mistress Riccabocca, au détour du chemin, apercevant le cottage avec ses pignons pittoresques, s’écria :

« C’est donc là votre maison, Léonard ? Je n’ai jamais rien vu d’aussi joli.

— Vous ne vous la rappelez donc pas ? dit Léonard à Hélène d’un ton de triste reproche, c’est là que je vous ai vue pour la dernière fois. Je voulais d’abord la laisser telle qu’elle était, puis je me suis dit que les souvenirs ne seraient pas détruits parce que je l’entourerais de toute la beauté que je pourrais créer, et que plus ce souvenir m’était cher, plus il était naturel d’y associer le beau. Peut-être ne comprenez-vous pas cela ? Peut-être n’y-a-t-il que nous autres pauvres poètes qui le comprenons !

— Si, je le comprends, » dit doucement Hélène. Elle regardait avidement le cottage.

« Qu’il est changé ! pensait-elle. Je me l’étais souvent représenté, mais jamais comme cela ; et cependant je l’aimais tout vulgaire qu’il était dans mon souvenir ; ainsi que le grenier et l’arbre qui était dans la cour du charpentier. »

Elle se garda bien d’exprimer tout haut ces pensées, et entra avec les autres dans le jardin.


CHAPITRE XVIII.

Mistress Fairfield ressentit une joie orgueilleuse en recevant mistress Riccabocca et Violante dans sa grande maison, car c’était à ses yeux une grande maison que le cottage dont son Lenny l’avait instituée dame et maîtresse. Elle en était fière en tout temps, mais elle pensait intérieurement que si jamais elle pouvait recevoir dans le salon de cette grande maison mistress Hazeldean, qui l’avait tant sermonnée pour s’être refusée à rester plus longtemps dans la petite chaumière qu’elle tenait à loyer du squire, la coupe de félicité humaine serait remplie pour elle et qu’elle mourrait contente. Elle s’occupa peu d’Hélène, son attention était tout entière absorbée par les deux damas avec qui elle venait de renouveler connaissance. Elle leur fit voir toute la maison et les mena jusque dans la cuisine.