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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/73

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Au même moment, mistress Fairfield rentra avec les deux dames, et s’excusa d’avoir quitté miss Digby.

Hélène reçut ses excuses avec sa douceur accoutumée.

« Oh ! dit-elle, votre fils et moi, nous sommes de si anciens amis, que vous pouvez vous dispenser avec moi de toute cérémonie. »

En entendant les mots anciens amis, mistress Fairfield ouvrit des yeux étonnés et regarda Hélène avec plus d’attention qu’elle n’avait encore fait

« Elle parle comme une grande dame, tout comme miss Violante, pensa-t-elle, mais elle a l’air plus humble et plus modeste, quoique pour l’habillement je n’aie jamais rien vu de si élégant, excepté dans les tableaux. »

Hélène passa cette fois son bras sous celui de mistress Riccabocca, et après avoir pris affectueusement congé de la veuve, les trois dames retournèrent avec Léonard vers la maison de Riccabocca.

Mistress Fairfield courut bientôt après elles, avec les gants et le chapeau de son fils que celui-ci avait oubliés.

« En vérité, mon garçon, lui dit-elle en le grondant affectueusement, il y a longtemps que tu ne ferais plus de livres, si le bon Dieu n’avait pris soin de fixer ta tête sur tes épaules. Vous ne le croiriez jamais, madame, ajouta-t-elle en se tournant vers mistress Riccabocca, mais ce n’est plus du tout le garçon soigneux que vous avez connu ; il est devenu très-négligent. »

Hélène ne put s’empêcher de se retourner pour regarder Léonard avec un malicieux sourire.

La veuve aperçut ce sourire, et prenant le bras de Léonard elle lui dit tout bas :

« Mais où as-tu donc vu cette jolie demoiselle ? vous êtes d’anciens amis, dit-elle.

— Oh ! ma mère, dit Léonard avec tristesse, c’est une longue histoire ; vous en avez entendu le commencement, qui peut deviner quelle en sera la fin. » Et il s’échappa. Mais Hélène ne quitta pas le bras de mistress Riccabocca, et pendant le retour l’hiver sembla à Léonard avoir repris possession de toute la nature.

Et cependant il marchait près de Violante, qui lui faisait l’éloge d’Hélène. Hélas ! il n’est pas toujours aussi doux qu’on le pense d’écouter les louanges de celle qu’on aime ; ces louanges semblent parfois nous dire ironiquement : « Quel droit as-tu d’espérer parce que tu l’aimes ? Tous ne l’aiment-ils pas ? »