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de toute autre personne portant le même nom, qu’en indiquant avec qui elle est allée sur le continent et cela mettrait Peschiera sur la voie.

— D’ailleurs à quoi cela servirait-il ? dit Egerton. Celle que vous cherchez n’est plus ! Il s’arrêta un instant, puis reprit rapidement : le paquet n’a dû arriver en Angleterre que plusieurs années après sa mort ; il aura été sans nul doute renvoyé à la poste ou détruit. »

Harley parut fort désappointé. Egerton continua d’un ton presque machinal comme ne pensant point à ce qu’il disait, mais suivant cependant la méthode pratique de raisonnement qui lui était habituelle et au moyen de laquelle un homme du monde a coutume de détruire les espérances d’un enthousiaste. Puis se levant soudain en entendant frapper bruyamment à la grande porte, il dit : « Vous entendez, il faut que vous m’excusiez.

— Je vous quitte, mon cher Audley, mais je vous le demande encore une fois, êtes-vous mieux, maintenant ?

— Beaucoup miens, merci — tout à fait bien. Je passerai vous prendre entre onze heures et minuit. »


CHAPITRE XXII.

Si quelqu’un eût pu être plus surpris en voyant ce soir-là lord L’Estrange chez Mme di Negra que la belle hôtesse elle-même, c’eût été Randal Leslie. Quelque chose l’avertissait instinctivement que cette visite était menaçante pour ses projets ultérieurs sur Riccabocca et Violante. Mais Randal Leslie n’était pas de ceux qui reculent devant un combat intellectuel : il avait au contraire trop de confiance dans ses talents pour l’intrigue pour ne pas se réjouir à l’idée de les exercer. Il ne pouvait croire que l’indolent Harley fût de force à lutter contre son activité infatigable et sa persévérance obstinée. Mais au bout de quelques instants il se sentit envahi par la crainte. Aucun homme de nos jours ne s’entendait à produire un plus brillant effet que lord L’Estrange lorsqu’il daignait le vouloir. Sans avoir aucune prétention à cette beauté personnelle qui frappe au premier coup d’œil, il avait conservé ce charme de physionomie et cette grâce dans les manières qui dans sa première jeunesse avaient fait de lui l’enfant gâté de la société. Mme di Negra n’avait réuni autour d’elle qu’un petit cercle ; mais il se composait de l’élite du grand monde ; ce n’étaient pas sans doute ces dames de château austères et réservées que les élégantes dispensatrices de la mode ridiculisent sous le nom de prudes, mais néanmoins il y avait là des femmes d’une réputation sans tache et du plus haut rang, coquettes peut-être, mais rien de plus ; en un mot des femmes charmantes, de ces gais papillons qui