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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/84

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— Mais alors, pourquoi paraissiez vous si en colère, mon cher ? Je sais que c’est par affection pour moi ; il peut, comme vous le dites, devenir un rival formidable… Mais, sûrement, ce ne sont pas ses cheveux ; croyez-vous qu’il porte un toupet ? Je suis sûr qu’il vous faisait l’éloge de Béatrix. Il en est fou, c’est évident. Mais je ne la crois pas femme à se laisser séduire uniquement par le rang et la fortune. Et vous ? Mais pourquoi ne dites-vous rien ?

— Si vous n’obtenez bientôt son consentement, je crains qu’elle ne soit perdue pour vous, » dit lentement Randal ; et, avant que Frank ne fût revenu de sa consternation, il était hors du salon.


CHAPITRE XXIII.

Violante passa sa première soirée près de lady Lansmere plus agréablement que n’avait fait Hélène. À la vérité, son père lui manqua beaucoup et Jemima un peu ; mais elle identifiait tellement la cause de son père avec Harley, qu’elle avait vaguement l’idée qu’elle était chez lord Lansmere pour la servir. La comtesse, il faut l’avouer, se montra envers elle plus cordiale qu’elle ne l’avait jamais été avec l’orpheline. Mais ce qui faisait la véritable différence dans le cœur de chacune des jeunes hiles, c’est qu’Hélène était intimidée par lady Lansmere, tandis que Violante ne ressentait que de l’affection pour la mère de lord L’Estrange. Violante avait une de ces natures expansives qui mettent à l’aise une personne froide et réservée telle que lady Lansmere ; il n’en était pas ainsi de la pauvre petite Hélène, si réservée elle-même, et qu’il était si difficile d’amener à répondre autrement que par monosyllabes. Puis, lady Lansmere parlait sans cesse d’Harley ; Hélène l’avait écoutée avec respect et intérêt, Violante l’écoutait avec une curiosité avide et ravie. Le cœur de la mère avait senti la différence, et il se portait vers Violante plus naturellement que vers sa compagne. Lord Lansmere, comme la plupart des hommes de son âge, considérait en gros toutes les jeunes filles comme une variété inoffensive, gracieuse, mais singulièrement stupide de l’espèce féminine, dont l’affaire était d’être jolies, de jouer du piano et de babiller ensemble de robes, de couturières et d’amoureux. Mais cette créature animée et éblouissante, avec son mouvement d’esprit et sa mobile physionomie, le prit comme par surprise, attira malgré lui son attention et jusqu’à sa galanterie. Hélène restait tranquillement assise dans un coin avec son ouvrage, écoutant parfois avec une admiration triste, bien qu’exempte d’envie, la conversation animée et l’éloquence involontaire de Violante, d’autres fois plongée dans de secrètes méditations. Et, pendant ce temps, ses doigts industrieux agissaient toujours :