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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/87

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ment de sa propre infériorité. Cependant elle soupira quand Hélène se leva et qu’Harley la remercia du plaisir qu’elle lui avait fait.

La journée était belle. Lady Lansmere proposa une promenade dans le jardin. Tandis que les trois dames allaient mettre leurs chapeaux et leurs châles, Harley alluma un cigare et descendit du perron sur la pelouse. Lady Lansmere le rejoignit avant les jeunes filles.

« Harley, dit-elle lui prenant le bras, quelle charmante compagne vous nous avez amenée ! Je n’ai jamais connu personne qui m’ait autant plu que cette chère Violante. Presque toutes les jeunes filles capables de causer et de penser par elles-mêmes sont pédantes ou masculines, mais elle est toujours simple, toujours femme. Ah ! Harley !

— Pourquoi ce soupir, ma bonne mère ?

— C’est que je pensais à quel point elle vous aurait convenu, combien j’aurais été fière d’une semblable belle-fille, et combien surtout vous auriez été heureux avec une telle femme ! »

Harley tressaillit. « Tut ! fit-il avec une légèreté affectée ; ce n’est qu’une enfant. Vous oubliez mon âge.

— Mais, dit la comtesse étonnée, Hélène n’est-elle pas tout aussi jeune que Violante ?

— Oui, sans doute, à ne consulter que les dates ; mais Hélène est d’un caractère grave, solide ; ce qu’elle est aujourd’hui elle le sera toujours, et puis Hélène, par reconnaissance, par respect ou par compassion, veut bien accepter les ruines de mon pauvre cœur, tandis que cette brillante Italienne a l’imagination d’une Juliette et s’attendra à trouver dans un mari la passion d’un Roméo. Chut ! ma mère ! Oubliez-vous que je me suis engagé librement et volontairement. Pauvre chère Hélène ! À propos, avez-vous parlé à mon père comme vous me l’aviez promis ?

— Pas encore. Il faut que je guette un moment propice. Vous savez que votre père a besoin d’être pris avec adresse.

— Ma bonne mère, la prétention que vous avez de nous marier nous autres hommes, vous fait perdre bien du temps et nous cause souvent bien du chagrin. Rien ne réussit mieux auprès des hommes que la simple vérité ; nous sommes élevés à la respecter, tout étrange que cela puisse vous paraître. »

Lady Lansmere sourit d’un air de sagesse supérieure et dit du ton expérimenté d’une épouse accomplie : « Laissez-moi faire, Harley, et comptez sur l’assentiment de milord. »

Harley savait que lady Lansmere finissait toujours par persuader à son père ce qu’elle voulait et il craignait que le comte, naturellement désappointé par une telle alliance, ne laissât, s’il n’était dûment préparé, percer son désappointement dans ses manières avec Hélène. Or, Harley se devait à lui-même d’épargner à celle-ci toute humiliation ; il voulait qu’elle se crût la bienvenue dans sa famille, c’est pourquoi il dit à sa mère : « Je m’en remets à vos promesses et à votre diplomatie. En attendant, si vous m’aimez, soyez bonne pour ma fiancée.