Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tristement ! Mais pourquoi m’appelez-vous enfant ? Est-ce que j’ai l’air d’une enfant ?

— Certainement, à mes yeux du moins. Ne vous ai-je pas tenue dans mes bras ?

— Mais il y a bien longtemps de cela.

— C’est vrai ; mais si les années ont marché pour vous, elles n’ont pas été stationnaires pour moi. Il y a entre nous maintenant la même différence d’âge qu’il y avait alors. C’est pourquoi je vous demande la permission de vous appeler mon enfant et de vous traiter comme telle.

— Je ne vous la donne pas du tout. Savez-vous que j’avais toujours cru avoir un bon caractère jusqu’à ce matin ?

— Et qu’est-ce qui vous a détrompée ? Auriez-vous par hasard cassé votre poupée ?

— Là ! vous y voilà encore ! Vous ne vous plaisez qu’à me taquiner !

— C’était donc vraiment la poupée ? Ne pleurez pas ; je vous en achèterai une neuve. »

Violante retira vivement son bras passé sous celui d’Harley et se dirigea vers la comtesse dans un muet dédain. Harley fronça le sourcil d’un air sombre et préoccupé. Il demeura un moment immobile, puis rejoignit les dames.

« J’empiète beaucoup sur votre matinée, dit-il, c’est que j’attends un ami que j’ai fait prévenir avant que vous ne fussiez levées. Il doit venir à midi. Si vous le permettez, ma mère, je dînerai demain ici et je vous prierai de vouloir bien l’inviter à s’y trouver avec moi.

— Certainement. Et quel est cet ami ? Je suppose qu’il s’agit du jeune auteur ?

— Léonard Fairfield ! s’écria Violante déjà honteuse de son mouvement de dépit.

— Fairfield ! répéta lady Lansmere. Je croyais, Harley, que vous l’appeliez Oran ?

— C’est un pseudonyme qu’il a pris ; mais il est le fils de Mark Fairfield qui a épousé une Avenel. Ne lui avez-vous pas trouvé un air de famille ? N’avez-vous pas remarqué ses yeux, ma mère ? dit Harley en baissant la voix.

— Non. » fit la comtesse.

Harley, voyant que Violante parlait à Hélène de Léonard et que ni l’une ni l’autre ne l’écoutaient, reprit à voix basse : « Et sa mère, la sœur de Nora, n’a pas voulu me voir ! C’est pour cela que je vous ai empêchée hier d’aller chez elle. Elle n’a pas dit au jeune homme pourquoi elle redoutait de me rencontrer ; je ne le lui ai pas expliqué non plus ; peut-être ne le ferai-je jamais !

— Cher Harley, dit la comtesse avec douceur, je souhaite trop vivement de vous voir oublier la folie, eh bien, non, les chagrins de votre jeunesse pour ne pas espérer que vous chasserez des souvenirs pénibles plutôt que de les renouveler en faisant des confidences inutiles à qui que ce soit, et moins qu’à tout autre au parent de…